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SÉRIE SERIES 2022

Critique série : Chair tendre

par 

- Cette série française sur un ado intersexe par Yaël Langmann et Jérémy Mainguy a un grand coeur, que fait aussi battre la colère

Critique série : Chair tendre
Régis Marvin Merveille N'kissi Moggzi, Léna Garrel, Angèle Metzger, Paola Locatelli et Marin Judas dans Chair tendre

Colère et tendresse sont-elles compatibles ? Sasha (Angèle Metzger) est une jeune fille de 17 ans qui vient d'emménager dans une nouvelle ville avec sa petite sœur Pauline (Saul Benchetrit) et ses parents. "N’oublie pas, personne ne doit savoir", dit Pauline à Sasha quand elles commencent les cours dans leur nouveau lycée. D'accord, mais savoir quoi exactement ? Tout comme Sasha elle-même pendant de nombreuses années, le spectateur ne sait pas vraiment ce qui se passe, et voudrait vraiment savoir. Assez vite cependant, on apprend quel est le secret de cette famille : Sasha est une adolescente intersexe, ce qui signifie que son anatomie n'entre pas dans les cases traditionnelles (masculin ou féminin). Au fil des indices qui nous sont donnés, on découvroe que Sasha a été classée garçon à sa naissance, et que sa condition intersexe a toujours été présentée à ses parents (et de fait, aussi par eux) comme une maladie, une erreur biologique en chemin vers la masculinité. Après avoir été tenue dans le noir pendant très longtemps et poussée pendant des années à fonctionner comme un garçon, Sasha est prête pour un nouveau départ, mais elle se pose encore beaucoup de questions... et elle a accumulé une colère qu'elle ne peut ignorer.

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Depuis son lancement en novembre 2018, France.tv Slash n'a pas chômé. Cette chaîne numérique qui fait partie de France Televisions a produit une bonne quantité de contenus pour jeunes adultes, et celui-ci devrait facilement trouver son public, compte tenu de l'accueil chaleureux qui lui a été réservé aux festivals français Series Mania et Serie Series. La série Chair tendre, créée par Yaël Langmann (scénariste des trois derniers films en date d'Yvan Attal) et co-réalisée par Jérémy Mainguy (réalisateur de séries aguerri auquel on doit notamment le drame hospitalier Les Bracelets rouges), suscite instantanément chez le spectateur beaucoup de reconnaissance pour la manière énergique et précise dont elle dépeint la famille de Sasha. Très française, cette famille s'envoie volontiers des vannes et se dispute à table (comme si ça faisait partie de son rituel), et on assiste à tout, surtout quand intervient la petite soeur Pauline, dont le jeu est un point fort de la série. Ces joutes verbales se retrouvent au sein du nouveau groupe d’amis que Sasha se fait à l’école, et rendent la série très crédible (elle est à des lieues de la pédagogie mièvre et sentimentale qu'on associe généralement aux séries pour ados). Le résultat est une fiction pour jeunes qu'on dévore goulüment, malgré les tons de gris de sa photographie, qui déçoivent un peu au début.

Mais l'attrait principal de la série est évidemment son sujet, et le tabou qui l’entoure. Le scénario prend en compte le manque de connaissances probable du spectateur lambda et ne craint pas de montrer des conversations gênantes. Est-ce que c’est une maladie ? Les parents de Sasha devraient-ils lui permettre d’avoir accès à la chirurgie ? Certaines de ces conversations importantes semblent un peu insérées de force dans le récit, surtout les conversations téléphoniques de Sasha avec une sorte de mentor intersexe qu’elle a trouvé en ligne, où les dialogues font un peu "le vocabulaire queer pour les nuls". Un autre exemple de ce petit travers est la conversation qu'a la mère attachante jouée par Daphné Bürki avec son ami transgenre joué par l’icône queer Océa ("Et si je te demande si tu t'es fait opérer, est-ce que c’est transphobe ?"). Bien qu'elles ne soient pas franchement subtiles, ces quelques scènes maladroites sont sans doute un ingrédient nécessaire pour que le grand public puisse accéder aux nuances du spectre queer et mesurer les innombrables moments d'isolement que peut vivre Sasha : quand elle enlève son haut à la piscine, quand elle flirte avec un garçon un vendredi soir, quand elle rit avec ses camarades à une plaisanterie apparemment inoffensive, quand elle doit choisir dans quelles toilettes aller à l’école… Chair tendre donne littéralement corps aux nombreuses situations problématiques qui seraient anodines pour n'importe qui d'autre mais ne le sont pas pour Sasha, et pour tous les ados intersexes dans notre société. La série a aussi le mérite de ne jamais perdre de vue ce qui est en son centre : un coeur d’adolescente qui bat de colère, qui se languit d'appartenir à une famille, à un groupe d’amis et, qui sait, peut-être même à une nouvelle communauté. Parce qu’après tout, nous avons tous besoin d’exprimer notre colère pour être en mesure de trouver la tendresse de la vie, et Chair tendre se fait un plaisir de nous le rappeler.

Chair tendre a été produit par Jerico TV. La série passera bientôt sur France.tv Slash.

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(Traduit de l'anglais)

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