email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FIDMARSEILLE 2022

Critique : Des garçons de province

par 

- Gaël Lépingle tisse un récit diffracté et atmosphérique, en trois volets, de la solitude de la jeunesse gay dans le temps étiré des petites localités de la province profonde

Critique : Des garçons de province
Léo Pochat dans Des garçons de province

Beaucoup de films choisissent prudemment d’emprunter les routes principales très bien balisées, mais certains préfèrent parfois suivre les panneaux "Déviation" pour s’aventurer à la découverte de coins plus isolés et avancer en funambules au-dessus du vide. Tel est le cas du nouveau long de Gaël Lépingle, Des garçons de province, dévoilé dans la compétition française du 33e FIDMarseille. Prenant le contre-pied des archétypes cinématographiques urbains représentant d’habitude la communauté gay, le réalisateur s’immerge dans les territoires anonymes mi-ruraux, mi-urbains, gorgés d’ennui, qui composent la mosaïque de la province française, un espace à l’identité incertaine où il avait déjà implanté L’Été nucléaire [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
. Mais cette fois, il n’est pas question de film de genre, mais davantage d’une sorte de déambulation en trois volets qui pourrait presque être un portait multiple documentaire s’il n’était transcendé en fiction elliptique par un cinéaste doté d’un sens très développé des atmosphères et de la mise en scène.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Vendeuvre-sur-Barse dans l’Aube, La Chapelle Saint-Mesmin et Hermoydans le Loiret : entre zones pavillonnaires et échappées immédiates dans la campagne environnante, les trois lieux du récit dégagent sous le soleil estival la même sensation de désertification, d’attente vaguement désoeuvrée sans espoir que le quotidien ne se métamorphose. C’est donc comme un éclair dans l’existence de Youcef (Yves-Batek Mendy) quand débarque pour une soirée de spectacle la petite troupe bigarrée et joyeuse de gays hyper excentriques menée par Gentiane (Jérôme Marin) et incluant Jonas (Léo Pochat), La Big Bertha (Daddy Darling), Princesse (Olivier Normand) et Lola-Cola (Mikarambar) : "c’est sûr que là, on fait animation – Pas très couleur locale !" Mais ils ne font que passer, comme un ballon coloré s’évanouissant dans le ciel, et la vie continue… Dans une autre ville, c’est au cœur d’une journée de promenade (en talons) en ville et de farniente percé de petits secrets dans le sillage d’un beau jeune homme (Edouard Prévot), attendant ses résultats d’admission post-bac et son départ vers d’autres cieux, que nous plonge le film. Enfin, la troisième partie nous emmène ailleurs, pour une rencontre entre un autre jeune (de nouveau Léo Pochat, mais presque méconnaissable) et le quinquagénaire Mathieu (Serge Renko), professeur d’espagnol côté pile et photographe spécialiste de déguisements dénudés côté face, le tout avant un très bel épilogue à Paris en chanson.

Avec ce film concept en patchwork qui s’applique à ne pas s’afficher comme une œuvre politique et militante, Gaël Lépingle réussit à radiographier des situations différentes mais jumelles au fond, en assumant parfaitement un brin de bizarrerie que sa sensibilité à la captation visuelle du "presque rien" et de la solitude teinte d’une pointe de mélancolie néanmoins toujours légère. Car comme le chante Gentiane, "j’avance nu, les larmes bues, je me relève contre le vent, je marche seul, ceux qui me veulent m’auront autant qu’avant; j’ai rien appris, rien chaque fois, sinon qu’on n’en meurt pas… c’est la nuit, triste jour, on ne meurt plus d’amour…. Passe au travers, embrasse l’air, tu me vois… entre deux ciels."

Des garçons de province a été produit par Haïku Films.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy