email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FILMS / CRITIQUES Italie

Critique : La tana

par 

- Le premier long de Beatrice Baldacci est un film personnel par une réalisatrice à garder à l’oeil, qui arrive à provoquer l’empathie tout en défendant ses mystères avec une douloureuse réticence

Critique : La tana
Irene Vetere dans La tana

Les cinémas italiens accueillent dès aujourd’hui La tana [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
de Beatrice Baldacci, un film distribué par P.F.A. Films qui a été développé dans le cadre du programme Biennale College Cinema 2020/21 et présenté en avant-première à la 78e Mostra de Venise, où il a reçu le Prix de l’Association de la presse internationale à Hollywood. La tana est le résultat d'un parcours particulier : en 2019, la réalisatrice débutante a été primée dans la section Orizzonti pour le court-métrage documentaire Supereroi senza superpoteri, où Baldacci reparcourait à travers des vidéos familiales son enfance et son rapport avec sa mère, atteinte d'une maladie neurodégénérative. Il y a un lien fort entre ce titre et le beau documentaire Un'ora sola ti vorrei (2002), où la réalisatrice Alina Marazzi reconstruisait la vie de sa mère Luisa, malade de dépression est morte suicidée à 33 ans seulement, à travers un montage de films amateurs en 16 et 8 mm tournés sur 30 ans par son grand-père maternel, l’éditeur milanais Ulrico Hoepli.  

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Beatrice Baldacci est allée encore plus loin dans son tableau de la douleur en développant avec Edoardo Puma le scénario qui est la base de son long-métrage de fiction, interprété par Irene Vetere et Lorenzo Aloi. L'histoire se passe l’été, aujourd’hui, dans une campagne du centre de l’Italie où vit Giulio, 18 ans, avec ses parents (Paolo Ricci et Elisa D’Eusanio), un couple apparemment citadin qui a choisi de vivre d'agriculture et d'une petite activité d'élevage. Giulio est insouciant et il a un rapport très authentique avec la nature qui l’entoure. Il se retrouve donc assez troublé par l’arrivée dans la villa d'à-côté, longtemps abandonnée, de Lia, 20 ans. Un trouble qui est aussi et surtout de nature érotique. Lia se montre très timide et peu amène mais elle aussi est attirée par le jeune garçon. Le jeu sexuel est dominé par elle : à travers de petits gestes, elle teste sans arrêt Giulio.

Le mystère de la présence de Lia est vite expliqué : la jeune fille a voulu ramener dans le lieu de son enfance sa mère (Hélène Nardini), qui est en train de perdre ses fonctions mentales. La villa est pour elle une "tanière", comme le dit le titre, c'est-à-dire un lieu où se cacher et exprimer sa souffrance face au déclin cognitif de sa mère ; c'est un refuge plein des souvenirs d’une époque heureuse où elle peut cantonner pour toujours cette dame, qui n'est déjà plus qu'un spectre balbutiant et un corps sans défense dont il faut s’occuper. C'est aussi un espace qui médiatise le rapport de la jeune fille avec la réalité extérieure, une zone franche pour un pulsion illicite, celle de la mort, qui défie le tabou de l'élimination du parent. La réalisatrice nous repropose ainsi des métaphores filmiques classiques – l'allusion au Psychose d'Hitchcock est prévisible.

Mais là où Beatrice Baldacci (pupille de Daniele Ciprì) rend ouvertement hommage au cinéma, c’est dans les mystérieuses séquences montrant une nature vue de très près (les brins d’herbe, les insectes, les buissons), tournées par le chef opérateur Giorgio Giannoccaro à basse définition avec une lumière naturelle. Elles représentent le dernier cadeau de la fille à sa mère et préparent la vision du jardin idéalisé, donc décevant, qui entoure la villa. La tana, sans être exempt des défauts qui caractérisent souvent les premiers longs-métrages (en particulier la direction d’acteurs), est un film personnel par une réalisatrice à garder à l’œil, un film capable de susciter de l’empathie, tout en défendant ses mystères avec une douloureuse réticence.

La tana a été produit par Andrea Gori et Aurora Alma Bartiromo pour Lumen Films en collaboration avec Rai Cinema et NABA-Nuova Accademia di Belle Arti.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy