email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CPH:DOX 2022

Critique : Girl Gang

par 

- Le troisième long-métrage de Susanne Regina Meures est un titre puissant qui nous ouvre les yeux sur le monde impitoyable et sans compromis des réseaux sociaux

Critique : Girl Gang

Girl Gang [+lire aussi :
interview : Susanne Regina Meures
fiche film
]
de la réalisatrice allemande Susanne Regina Meures, ancienne élève de l’Université des Arts de Zurich-ZHdK, présenté en première mondiale au prestigieux festival CPH:DOX, ne recule devant rien pour nous montrer les coulisses d’une vie d'influenceuse, très éloignée de ce qu'imagine le grand public. Marqué à chaque instant par une aura (délicieusement) angoissante, le troisième long-métrage de Susanne Regina Meures s’aventure dans les plis d’un système, celui des réseaux sociaux, où la réalité se liquéfie et devient pur éther, un "rien" alimenté par les mentions j'aime et des sourires semblables à des paralysies faciales.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Connue et appréciée du public et de la critique pour ses films précédents – Raving Iran [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
(2016), vainqueur à Visions du Réel dans la section longs-métrages suisses les plus innovants, et Saudi Runaway [+lire aussi :
critique
fiche film
]
(2020), présenté notamment à Berlin en 2020 dans la section Panorama – Susanne Regina Meures fait son retour avec Girl Gang, sorte de fable grotesque sur une influenceuse berlinoise de 14 ans et ses adoratrices inconditionnelles. Après avoir abordé la scène techno underground de Téhéran et le patriarcat violent et opprimant en Arabie Saoudite, Susanne Regina Meures s’aventure dans les coulisses d'un monde, celui des réseaux sociaux, qui cache d'inquiétants secrets.

Leonie (alias Leoobalys) et sa famille ont permis, pendant quatre ans, à la caméra de la réalisatrice de devenir partie intégrante de leur quotidien, comme une espèce de juge impartial ne craignant pas la vérité, aussi affreuse qu’elle puisse être. Dans le monde de Leonie, la spontanéité et l’insouciance de l’adolescence se transforment en angoisse et en self-contrôle maniaque. Une scène est particulièrement inquiétante et extrêmement juste à cet égard : celle où on observe l’héroïne tandis qu'elle clique frénétiquement sur l’écran de son téléphone pour se photoshopper le visage. Le geste, à la fois violent et mécanique, fait figure d'agression inconsciente par rapport à un corps qui appartient désormais exclusivement au web.

Dépouillée de son identité "réelle", l’adolescente berlinoise a décidé de s'affubler du masque pailleté de star des réseaux sociaux, un personnage dépendant de l’adrénaline, de la gloire et des chaussures de sport de marque. Sans talents particuliers au-delà d'une détermination rare, Leonie a construit un empire depuis sa petite chambre dans la banlieue de la capitale allemande. Suivie de près, pour ne pas dire de très près, par ses parents-managers, qui ont quitté leurs emplois respectifs pour booster la carrière d’influenceuses de leur fille, Leonie semble emprisonnée dans une réalité alternative qui s’est transformée, avec les années, en prison. À travers un dialogue à sens unique fait de frustration et d’adoration, Susanne Regina Meures met en parallèle la vie de l’influenceuse avec celle de sa plus grande fan : Melanie, une petite fille solitaire qui vit la vie de son héroïne par procuration, comme une Cendrillon des temps modernes. On a trouvé à cet égard très intéressante et forte l'utilisation du morceau classique à la saveur mystique et rituelle qui accompagne les images des petites filles en délire, vénérant leurs idoles 2.0.

Girl Gang nous permet d’observer, à la fois fascinés et remplis d’effroi, la vie faite de rêves et d'illusions, d'hyper-contrôle et de recherche d'une liberté impossible qui est celle de Leonie, un monde suffocant qui exclut toute interaction humaine. Comme le rappelle la maman de Leonie, le "seul" sacrifice auquel elle doit se résoudre en échange de la gloire est celui de n’avoir aucun ami et aucune relation humaine profonde au-delà du monde des "influencers". Aux yeux de cette mère, c'est un sacrifice dérisoire, comme si sa fille n'était désormais rien d'autre qu’un produit.

Girl Gang a été produit par Christian Frei Filmproduktion et SRF Schweizer Radio und Fernsehen. Les ventes internationales du film ont été confiées à Rise and Shine.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy