09/03/2022 - Marion Desseigne Ravel signe un premier long simple, pudique et très vivant sur un coup de foudre au féminin dans l’environnement houleux et conformiste d’un quartier populaire

"Depuis que je te connais, c’est comme s’il y avait plusieurs morceaux de moi. J’ai le cœur comme un marteau piqueur". La magie du coup de foudre, l’émotion inattendue du premier regard, l’impulsivité irrésistible du premier baiser, l’omniprésence mentale de l’être aimé : ce n’est un secret pour personne et c’est une expérience partagée par beaucoup que "le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point." Mais évidemment, il y a aussi parfois des obstacles à ces élans, des hostilités extérieures, des incompréhensions, voire des carcans culturels alimentant l’auto-répression.

C’est ce territoire des sentiments intenses et contrariés qu’a décidé d’investir Marion Desseigne Ravel dans son premier long métrage, Les Meilleures [+lire aussi :
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fiche film], lancé le 9 mars dans les salles françaises par Le Pacte. Mais sur le sujet de l’amour au féminin déjà relativement bien quadrillé au cinéma et porté jusqu’au plus grand nombre par le puissant porte-voix de la Palme d’Or 2013 de La Vie d’Adèle [+lire aussi :
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interview : Abdellatif Kechiche
fiche film], la jeune cinéaste formée à La Fémis a choisi avec justesse une approche plutôt humble, volontairement non ostentatoire, calée sur les perceptions mouvementées de sa protagoniste dans un bouillonnement plus intérieur qu’expressif, dans une douceur en éclosion contrastant avec l’ambiance relativement abrupte (mais sans aucun excès là non plus) du quartier populaire parisien où se déroule l’histoire.

À 18 ans, Nedjma (l’excellente et charismatique Lina El Arabi, déjà très à son avantage dans Noces [+lire aussi :
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interview : Stephan Streker
fiche film]) évolue très à son aise dans son environnement, quelques rues où tout le monde se connaît, un groupe très soudé de copines incluant sa petite sœur, tous les mecs que l’on "check" au square où chacun a son espace bien défini ("faut lui apprendre les règles. Ici, c’est notre banc"), les potes depuis la maternelle avec qui elle joue au foot à l’occasion, le club des jeunes où l’on se retrouve, et une mère aimante (il n’y pas de père et il n’en sera jamais question dans le film). C’est l’été et comme on n’a pas les moyens de s’offrir des vacances dans un milieu social décrit sans aucun misérabilisme, on planifie juste une virée à la mer en Normandie. Mais l’arrivée d’une nouvelle voisine, la belle Zina (Esther Rollande) chamboule totalement l’univers de Nedjma, fait chavirer son cœur, la propulse dans les affres de l’amour, dans des questionnements instinctifs agités sur sa propre identité, et la met en porte-à-faux avec un entourage amplifiant dangereusement tout sur les réseaux sociaux.

Écrit par la réalisatrice, Les Meilleures fait un portrait simple et pertinent des codes et des valeurs d’une jeunesse des quartiers où s’écarter du groupe et du conformisme est très vite assimilé à une véritable trahison, la vox populi pesant de tout son poids sur les comportements ("C’est vrai ce qu’on dit sur Snap ? Tu sors avec des lesbiennes ?"). Mais le film se révèle également plus nuancé qu’il n’y paraît sous sa surface très directe (on est toujours dans le sillage de l’attachante Nedjma), injectant des strates de subtilité par toutes petites touches (la mère, l’animatrice, la meilleure amie, la soeur, le copain d’enfance, le "gang" de filles plus âgées, etc.), même si son point fort reste incontestablement la captation ultra sensitive de la puissance des émois dans la dimension la plus indicible du désir, à la naissance jaillissante, surprenante, à la fois excitante et inquiétante, des sentiments les plus profonds.

Produit par Tripode Productions et 31 Juin Films, Les Meilleures a été coproduit par France 2 Cinéma et par Le Pacte qui pilote aussi les ventes internationales.