21/02/2022 - BERLINALE 2022 : Le duo polonais Anka et Wilhelm Sasnal plaide pour l’évasion, même si c’est juste en pensée

We Haven’t Lost Our Way [+lire aussi :
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fiche film] d'Anka et Wilhelm Sasnal, sélectionné dans la section Forum, est d'une certaine manière un film typique de la Berlinale – ambigu, complexe et lent –, mais il a quelque chose de mystérieux qui l'allège un peu, lui donnant une ambiance proche de la science-fiction, tandis qu'on assiste à l'histoire de deux personnes très déroutées qui sont attirées dans un endroit insolite. Ils l'appellent le "Lac qui brûle".

Partir semble une excellente idée dans le cas d'Eryk et Ewa (Andrzej Konopka et Agnieszka Żulewska, cette dernière encore plus glaciale que dans Silent Land [+lire aussi :
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interview : Aga Woszczyńska
fiche film]), à vrai dire, il est bien possible qu'ils en aient désespérément besoin. Au point où ils sont, il n'y a pas dans leur vie ni d'amour, ni de travail : Ewa se raccroche à des boulots ponctuels qu'elle déteste ; Eryk vient de quitter son emploi à l’université, où il est méprisé par ses collègues comme par ses étudiants. Ils ne sont plus ensemble, mais quelque chose (un petit bloc-notes) va les rapprocher de nouveau, ne serait-ce qu’à travers les mots.

Tous les deux semblent malheureux dans la vie, au point mort, alors qu'ils ont tous les deux le sentiment qu’ils mériteraient beaucoup plus que ce qu’ils ont là. Il y a un sentiment de supériorité dans leur détachement par rapport aux problèmes quotidiens de la vie et aux gens qui les entourent, sauf quand les seconds sont disposés à se défaire d’un peu d’argent, bien sûr. Ceci en fait, franchement, des héros étranges à accompagner, difficiles à cerner et parfois agaçants, mais les réalisateurs ne semblent pas s'en soucier : inspirés par le roman To Warmer Lands du Suédois P.C. Jersild (1961), ils composent un road movie où la route pourrait bien n'être qu'imaginaire.

Après tout, ces deux personnes, tout en étant clairement intranquilles, sont aussi des êtres extrêmement passifs, incapables d'opérer des changements significatifs et de s'y tenir au moins un certain temps. Eryk, toujours sombre, se plaint que les gens n’en fassent pas assez, et cependant la dernière fois qu’il a essayé d’aider quelqu'un, il est "presque" arrivé à le faire. Donc pourquoi décideraient-ils soudainement de s'embarquer dans un voyage qui pourrait changer à jamais leur vie ? Ce qui est sûr, c'est qu'ils savent lire, et tracer des lettres sur une page avec les doigts, et peut-être que pour l’instant, c’est suffisant. C'est drôle comme tout le monde est entouré de livres ici, ou parle de livres. Il est vrai qu’ils apportent de la compagnie et de l’évasion, et parfois c’est ce qu’on peut espérer de mieux, surtout quand on vieillit tout seul, comme un des personnages dont Ewa décide de s’occuper.

Tandis que le récit avance en boitillant, au moins, on s'amuse un peu avec toutes les mentions de cet endroit étrange – une description par-ci, une photo floue par-là –, mais le film est parfois trop lent pour revenir à la hauteur de ce qu'il avait promis d'accomplir. Ce titre réalisé sans budget, très court (73 minutes seulement), fait plus l'effet d’un croquis que d’un récit complet, d'une nouvelle que d'un vrai roman. Ce lac pourrait être une sorte de purgatoire, pour autant qu'on sache, une destination ultime dont on ne revient pas. Et peut-être que ceci est vraiment le dernier adieu.

We Haven’t Lost Our Way a été produit en Pologne par Balapolis en coproduction avec Krakowskie Biuro Festiwalowe.

(Traduit de l'anglais)