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BERLINALE 2022 Forum

Critique : Jet Lag

par 

- BERLINALE 2022 : Dans ce travail hybride, Zhen Lu Xinyuan cherche des parallèles entre son isolement pendant la pandémie et l’entreprise de sa famille de retrouver leurs racines

Critique : Jet Lag

Il n’est pas évident de dégager un fil rouge narratif de Jet Lag [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
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de Zhen Lu Xinyuan, mais si on essayait, ce serait le motif du sentiment d’isolement et d’abandon. Ce film à mi-chemin entre documentaire et essai vidéo, qui a fait sa première dans la section Forum de Berlin, suit Xinyuan et sa famille dans très deux grands voyages : l'un dans un monde mis en quarantaine après l’arrivée du Covid-19 en 2020, l’autre en Birmanie, où l’arrière grand-père de la réalisatrice a disparu dans les années 1940.

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"Il n’y a pas de personnage principal", fait observer à juste titre la petite amie de Xinyuan au début du film. C'est vrai, mais comment pourrait-il y en avoir ? Ceci n’est pas l'histoire d'une seule personne : c’est autant le récit d'un traumatisme individuel que du traumatisme de toute une génération dont la réalisatrice s'acharne à essayer de gratter la surface. Le film, tourné avec une simple caméra DV à l’ancienne, en noir et blanc, a l’allure d'un carnet de bord vidéo, mais on sent un regard très particulier dans la manière de Xinyuan, tandis qu'elle capture la banalité de l’isolement imposé par le Covid et la mélancolie du voyage familial, pendant lequel sa grand-mère suit les traces du père qu’elle n’a jamais pu oublier.

Les pèrse absents, violents ou même indifférents sont une connexion récurrente entre les personnages. L’isolement intérieur que ces expériences ont pu provoquer en Xinyuan, sa petite amie et sa grand-mère se met lentement à se déplacer vers l'extérieur. Le film commence en avril 2020 dans un petit appartement à Graz, en Autriche, où Xinyuan et sa compagne se retrouvent comme échouées, car aucun vol ne peut les ramener à Hangzhou en Chine. Un écran de téléphone réapparaît régulièrement qui montre que les vols ne cessent d'être soit retardés, soit annulés. Le monde n'est désormais à portée de main que sur Google Maps.

Les deux femmes se mettent à passer le temps en observant les rares piétons qui continuent d’évoluer dans les rues du quartier où elles sont. Services de livraison et travailleurs essentiels sont documentés par un regard subreptice, envieux. L'insignifiance de la vie dans un espace confiné ainsi que son intimité transpirent dans chaque plan. De retour en Chine, les travailleurs de la santé en combinaisons de protection semblent sortir tout droit d’un roman anti-utopique. Et voilà que Xinyuan et sa petite amie sont de nouveau confinées dans un hôtel à quarantaine, et que des hommes en blanc bouchent complètement leur porte avec du scotch.

Ces scènes sont intercalées avec des images tournées pendant un précédent voyage de la famille en Birmanie. La réalisatrice laisse intentionnellement ces scènes se fondre les unes dans les autres, laissant le spectateur deviner seul la chronologie des événements, ou juste se laisser porter par cette ambiance à la fois agitée et léthargique. Un cousin éloigné se marie. Il fait partie d'une famille qui, apparemment, est restée en contact avec l’arrière grand-père. Entre le mariage et les visites touristiques, la famille cherche les dernières traces de l’homme qui est devenu une énigme glorifiée autant que haïe. Elle cherche des indices des raisons pour lesquelles il a fait ce qu’il a fait. Il est la figure paternelle que la grand-mère ne peut s’empêcher de continuer d’admirer.

La fatigue du décalage horaire plonge généralement les gens dans la léthargie, car le corps doit s'adapter à un nouveau rythme. Xinyuan la ressent naturellement physiquement, du fait de son grand changement de fuseau horaire en revenant d'Europe en Asie. Mais quelque chose n'est pas bien aligné au sein de sa famille non plus, dans la manière dont elle aborde son passé et le présent : le corps est à un endroit, l'âme à un autre, dans un effort pour essayer de comprendre ce qui est advenu et ce qui est. C'est un sentiment léthargique, un décalage horaire de l’esprit.

Jet Lag a été produit par Ray Matin et Shanshan Li. Les ventes internationales du film sont gérées par Rediance.

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(Traduit de l'anglais)

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