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BERLINALE 2022 Encounters

Critique : Flux Gourmet

par 

- BERLINALE 2022 : Le nouveau film de Peter Strickland suit un collectif culinaire qui explore le concept de "cuisine acoustique”

Critique : Flux Gourmet
Ariane Labed dans Flux Gourmet

Peter Strickland s’est fait un nom en poignardant des choux dans Berberian Sound Studio [+lire aussi :
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, donc on ne saurait s'étonner que dans Flux Gourmet [+lire aussi :
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, projeté dans la section Encounters de la Berlinale, il continue d’enquêter sur les sons que produisent différents aliments. Dans ce film, l'ingénieur du son incarné par Toby Jones est remplacé par un collectif culinaire  (Fatma Mohamed, Ariane Labed et Asa Butterfield) qui se dédie corps et âme à explorer le concept de "cuisine acoustique", une activité qui reprend le nom d'un groupe dont Strickland faisait apparemment partie jadis (Sonic Cooking). Invités à une résidence artistique qui fait plus l’effet d’une quarantaine, ils mangent (évidemment), font de longues promenades dans le jardin, révèlent leurs premières expériences érotiques impliquant le recours à des œufs, et se chamaillent avec leur influente mécène (Gwendoline Christie) sur l’utilisation d’un flanger. Très vite, tout le monde arrive au bord de l'implosion.

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Surtout le pauvre Stones (Makis Papadimitrou), embauché pour mener une série d'interviews avec eux, mais hélas pour lui forcé de se concentrer davantage sur ses soucis de santé que sur son écriture. Stones, constamment ballonné, souffre le martyre, et se trouver entouré d’autres gens 24/7 n'aide pas, de sorte qu'il rôde en catimini la nuit dans l'espoir de soulager son aérophagie (en croisant les doigts pour ne pas faire trop de bruit). Il se trouve cependant que sa souffrance intéresse Elle, la cheffe du collectif, qui se met à l'intégrer aussi à ses performances live. Rien de surprenant là-dedans : les réactions dithyrambiques au dernier numéro de Jackass semblent indiquer que les fonctions corporelles sont très à la mode en ce moment.

Tout cela peut sembler déjanté, mais les acteurs de Strickland (qui évoquent à un moment les nihilistes du Big Lebowski, quoique personne ne menace ici de couper "le zézette" de personne, pour changer) jouent très carré. Plus amusant qu'à mourir de rire, ce cinquième long-métrage du réalisateur accumule hélas trop d’ingrédients, et de modes vestimentaires (la collaboration de Christie avec Giles Deacon fait l’effet d’une version tordue du "New Look" de Dior), pour composer un environnement qui convainque totalement. On y trouve des orgies floutées (parce qu'ici, c’est comme ça que le public témoigne son enthousiasme), une endoscopie très publique et tellement d'intérêt porté aux excréments que l'ensemble irait très bien avec un autre titre sélectionné à Berlin, Oink [+lire aussi :
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, un film d’animation en stop motion dont le héros est un cochon particulièrement flatulent. Dans The Duke of Burgundy [+lire aussi :
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, la loufoquerie de Strickland n'occultait pas totalement les choses du coeur, mais ici, il se rapproche dangereusement de cet écueil.

Après, ça ne veut pas dire que parmi les bruits étouffés des expulsions de gaz en loucedé, ce film ne pose pas quelques questions intéressantes. Si une artiste parvient, comme elle l'entendait, à choquer son public, est-ce grave qu'elle leur mente dans le même temps ? Est-ce que cela n'invalide pas un peu sa performance, même si l'émotion suscitée était très réelle ? Tant qu'il y est, Strickland regarde aussi d’un peu plus près la cuisine elle-même, présentée comme une sorte de théâtre de guerre où les rôles qu'on assigne classiquement à chaque sexe et les aspirations féminines trouvent un point d'arrêt brutal. On dirait presque qu'une femme peut être soit la Donna Reed de son époque, et réaliser de "joyeuses recettes" à partir d’un livre de cuisine des années 1950 pour satisfaire son mari, soit une artiste de performance qui se réapproprie l’espace au son triomphal de légumes en train d'être coupés par ses larbins. Pour des extrêmes, ça c'est des extrêmes !

Strickland semble ici se moquer de tout le monde, des artistes aux journalistes en passant par ceux qui les financent, et s'attendent toujours à un petit quelque chose en retour, mais en même temps, il conserve de l’empathie face aux difficultés auxquelles ils font face, à leurs relations brisées et à leur désir de créer quelque chose qui ait du sens – même quand on ne peut pas sentir les gens avec qui on doit créer cette chose... donc autant dire la plupart du temps, problèmes intestinaux ou pas.

Flux Gourmet est une coproduction entre le Royaume-Uni, la Hongrie et les États-Unis qui a réuni les efforts de Red Breast Productions, Pioneer Pictures, Lunapark Pictures, IFC Productions et Bankside Films, qui s’occupe aussi des ventes internationales du film.

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(Traduit de l'anglais)

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