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SUNDANCE 2022 Compétition World Cinema Documentary

Critique : All That Breathes

par 

- Le documentaire du réalisateur indien Shaunak Sen, qui vient d’être primé à Sundance, suit les efforts de deux frères pour protéger les oiseaux des cieux pollués de New Delhi

Critique : All That Breathes

Voilà bien quelque chose d’unique : un film captivant sur la vertu et les bonnes actions - le genre qui restitue l'équilibre si on croit au karma ou à une religion monothéiste. Filmés par le documentariste indien émergent Shaunak Sen, les sujets de All That Breathes [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Shaunak Sen
fiche film
]
prennent les milans noirs de New Delhi sous leur aile, leur place fragile dans l'écosystème local étant affecté par l’air notoirement pollué de la ville. Des nombreux documentaires sur la crise climatique qu'on a pu voir récemment dans les festivals, celui-ci est un des plus convaincants, car il montre comment tout un environnement urbain peut soutenir une telle épreuve au lieu de se concentrer sur un exemple isolé, ou sur le sermon d’un individu prêchant de sa chaire. Le film a décroché la semaine dernière le Grand prix du jury de la section World Cinema Documentary Competition de Sundance, édition virtuelle (lire l'article).

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En observant l'attitude déterminée mais néanmoins discrète des deux personnages centraux, Sen offre (au risque d’être grandiose) un modèle de la manière dont nous, simples citoyens, pouvons sacrifier les devoirs routiniers de nos vies pour des aspirations plus vastes, ce dont les résultats sont visibles à l'oeil nu dans le monde qui nous entoure. C’est un déclencheur, presque d’un autre monde en tant qu'imagerie, qui requiert une réponse tout aussi forte : les oiseaux sont littéralement en train de tomber du ciel par centaines, comme les grenouilles à la fin de Magnolia. Il s'agirait peut-être de réagir.

Les frères qu'on accompagne, Saud et Nadeem, fabriquent des distributeurs de savon dans un atelier qui évoque plus un garage auto à plusieurs étages, mais heureusement, le film de Sen ne s’arrête pas vraiment sur cet élément. La vraie passion des deux frères est l'association vétérinaire à but non lucratif qu'ils ont montée, Wildlife Rescue, qui recueille au moins 20 milans noirs tombés au sol par jour et prodigue des opérations chirurgicales : pour réparer une aile tordue, une pupille voilée... Quand les rapaces s'envolent de nouveau dans ce ciel douteux, il est clair que le cycle va se répéter, et que l'oiseau qui vient d'être soigné pourrait bien être frappé de nouveau, par exactement la même maladie. Mais comme si des détritus s'empilaient sous votre fenêtre, la vue des oiseaux convulsés sur le sol déclenche l'élan altruiste de Saud et Nadeem, un instinct qui existe, on peut l'espérer, en chacun de nous aussi.

All That Breathes contient un passage en particulier qui a fait que l'auteur de ces lignes s’est rendu compte que quelque chose de spécial était bel et bien en train de se produire. Vers la moitié du film, les frères remarquent deux milans noirs flottant à l’envers dans une artère inondée ; alors, la caméra de Sen saisit en temps réel la décision qu'ils prennent en une seule seconde : celle de se ruer vers eux en s'enfonçant jusqu’à la taille dans cette eau boueuse abjecte. Le remous des vagues et les débris tourbillonnant dans l'eau évoquent à ce moment-là les décors qu'on crée artificiellement pour un film sur la guerre du Vietnam comme Full Metal Jacket ; c’est une imagerie qu'il fallait en effet cadrer de cette manière cinématographique, pour faire passer le message glaçant qu'elle contient.

Plus tard, on apprend quelle est la signification, dans la religion musulmane, du fait de nourrir et de ramener à la vie ces rapaces : c'est le Thawāb, c'est-à-dire un mérite spirituel accu par un acte de piété. Le film montre ensuite une couverture par les médias des émeutes anti-musulmans précipitées par le Citizenship Act du gouvernement nationaliste hindou, croisé avec le travail plus placide de Saud et Nadeem. Avec un talent consommé, et à travers une comparaison extrêmement juste entre la discorde politique et le désordre environnemental qui tombe sous le sens quand on la voit, Sen est parvenu à saisir un monde détraqué.

All That Breathes est une coproduction entre le Royaume-Uni, l’Inde et les États-Unis qui a réuni les efforts de Kiterabbit Films et Rise Films, en collaboration avec HHMI Tangled Bank Studios. Les ventes internationales du film sont gérées par Submarine Entertainment.

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(Traduit de l'anglais)

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