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SUNDANCE 2022 Compétition World Cinema Documentary

Critique : The Mission

par 

- Dans ce documentaire de Tania Anderson, résolu à suivre à tout prix le conseil de la mère de Cendrillon ("soit courageuse et sois gentille"), de jeunes mormons partent en Finlande

Critique : The Mission

Il y a quelque chose d’intrinsèquement absurde dans l'idée improbable d'envoyer un groupe de jeunes mormons bien intentionnés en Finlande, ce qui demande du temps et les oblige à apprendre une langue incroyablement difficile, tout cela juste pour grossir la branche locale de quelques membres. Pourtant, personne ne remet l'entreprise en question dans The Mission [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
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, projeté à Sundance, un tableau si compatissant par rapport à ses sujets qu’il en devient presque suspect.

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On s'attendrait, a priori, à un énième regard accusateur posé sur cette communauté religieuse régie par tout un ensemble de règles et tabous, surtout que cela fait des années qu'on la tourne au ridicule, et ce avant même que les gars de South Park n’en fassent une comédie musicale. Et pourtant, dans ce film, qui est son premier long-métrage, Tania Anderson ne fait pas ça du tout. Elle ne prend pas ici pour guide quelqu'un qui doute de la logique de l'entreprise sus-mentionnée, mais choisit au contraire des personnages si sympathiques qu’on se prendrait même à tenir pour eux, au bout d’un moment. Difficile de dire si Anderson est elle-même croyante, et comment elle a fait pour obtenir la collaboration d'une Église qui tend à fuir les caméras, mais elle leur offre ici, en termes de relations publiques, une campagne très réussie. Pour peu qu'on arrive à digérer cet aspect, on s'amusera pas mal en regardant ce film.

Tout spectateur non croyant se sentira forcément tiraillé en découvrant de The Mission. Les jeunes (appelés ici "aînés" ou "sœurs") prennent part à des discussions (quand eux veulent convertir, certains Finlandais préfèrent pervertir), mais ils ont des limites qu'ils ne franchissent jamais : ils continuent simplement de répéter les mêmes vieilles histoires dans une langue nouvelle. Ils profitent aussi clairement du désespoir et de la solitude de certaines personnes, et c'est de bonne guerre. Bien qu’on les ait chargés de changer du tout au tout l'approche spirituelle de leurs interlocuteurs, ils ne sont pas non plus des "professionnels" aguerris, et leur aptitude à parler de religion, ou de la vie en général, reste limitée. La question de savoir pourquoi l’Église n’envoie pas ses meilleurs éléments pour accomplir "l’œuvre de Dieu" n’est jamais vraiment explorée ici, et appellerait peut-être une autre enquête. Cela explique également pourquoi certains d’entre eux ont du mal à s'acquitter de leur tâche.

Malgré tout, et sans doute la seule chose intéressante qu'on apprenne ici, partir en mission à l’étranger n’est pas une corvée : c’est un privilège, et ce sont les familles, pas l’Église, qui sont censées le financer. C’est un rite de passage coûteux, l’équivalent d’une année sabbatique, une aventure qui vous fait gagner un certain respect plus tard et une plaque à l’église. Il est mentionné, plus avant dans le film, que l’expérience est "révélatrice", mais on a parfois un peu de mal à y croire. Après tous ces efforts, les jeunes voudraient se sentir spéciaux, mais ils ne font que perpétuer le mythe de la mission. Ceux qui n’y sont pas complètement parvenus (un garçon est forcé de reconnaître ses problèmes de santé mentale et de rentrer chez lui) ont le sentiment d’avoir échoué.

"Les gens ne voient pas ce que nous vivons quand nous ne sommes pas en prospection", dit quelqu'un dans le film, et pour être franc, vous ne le verrez pas non plus ici : Anderson est tenue à distance dans ce film, on ne lui révèle que certains secrets. Ces quelques doutes mis à part, il n'en est pas moins hilarant de voir ces jeunes interagir avec les Finlandais, dont la réserve est de notoriété commune (c'est un peuple qui respectait l’espace personnel d'autrui bien avant la pandémie), or on parierait un renne que c’est peut-être le seul film, de mémoire récente, où ils ne sont pas si polis que ça : on les voit fuir les petits mormons et parfois leur lancer des invectives (modérées). C’est une idée terrifiante, à vrai dire, que celle d'alpaguer tous les jours de parfaits inconnus pour leur parler de Dieu, ou caresser leur chien si c'est un petit carlin. Plus personne n'adresse la parole aux inconnus dans la rue, sauf eux et parfois, ils vous offrent même une glace.

The Mission a été produit par Danish Bear Productions Oy (Finlande) et coproduit par Dirk Manthey. Les ventes internationales du film sont assurées par Autlook Filmsales GmbH.

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(Traduit de l'anglais par Marine Régnier)

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