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BLACK NIGHTS 2021 Compétition Premiers Films

Critique : Blind Love

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- Ce premier long-métrage inventif réalisé sans budget, avec des bouts de ficelle, par le réalisateur suisse-kenyan Damien Hauser traite du sujet du handicap avec un mélange d'empathie et d'irrévérence

Critique : Blind Love
Mr Legacy et Jacky Amoh dans Blind Love

Une plateforme web connaît en ce moment une croissance météorique qui est en train d'altérer notre relation avec les médias visuels... et non, il ne s’agit pas de Netflix ! Cette plateforme n’est autre que le réseau social chinois TikTok, dont les utilisateurs sont très majoritairment les jeunes, quoique certaines vidéos qu’on y trouve (dont certaines laissent transparaître un talent plutôt précoce pour la création de films) tendent à devenir virales après avoir été partagées sur Twitter ou autre. Le réalisateur suisso-kenyan Damien Hauser (qui est né en 2021 mais qui a déjà été invité en compétition à des festivals de cinéma internationaux, alors que ses camarades en sont encore à leurs balbutiements) appartient sans conteste à cette génération par sa sensibilité et le ton qu'il adopte. Son long-métrage Blind Love, qui vient de faire sa première dans le cadre de la compétition Premiers Films du Festival Black Nights de Tallinn, fait l'effet d’une vidéo typique de celles qu'on trouve sur la plateforme susmentionnée, mais beaucoup plus longue : elle a la troupe d'acteurs enthousiastes, l’éclat de la jeunesse et quelque chose de fébrile, comme si tout pouvait éclater en mille morceaux à n’importe quel moment.

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Hauser est allé au Kenya, le pays natal de sa mère, pour concevoir ce qui se présente d'abord comme un film de festival typique – sérieux, articulé autour d'un thème précis –, et n'en céde ensuite que mieux le pas aux plaisanteries et aux détours d'intrigue loufoques. Tout commence dans une école spécialisée destinée aux étudiants handicapés, dans une zone rurale du pays est-africain. Un des élèves, Brian (Mr Legacy), aveugle, est réaccompagné chez lui (dans le cadre d'une sorte de système d'entraide entre camarades) par Abel (Jacky Amoh), qui est sourd et ne communique que dans la langue des signes. Sans qu'aucun bavardage ne soit échangé entre eux, Hauser parvient à établir que leur relation est devenue amoureuse, tandis que les deux jeunes hommes sautillent sur le sol irrégulier et aride, sur une musique highlife entraînante jouée à la guitare qu'Hausner a composée lui-même.

Un peu comme ce qu’on avait dans Corps et âme [+lire aussi :
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d'Ildikó Enyedi, Brian et Abel ont un lieu de rencontre spécial où ils se retrouvent la nuit : leurs rêves à l'un et à l'autre, auxquels ils peuvent accéder tous les deux. Dans cet espace onirique, qui nous est montré en noir et blanc, ils se rejoignent et interagissent et... devinez quoi : leurs infirmités sensorielles sont guéries. Leur idylle faite de soutien mutuel dans la vie et de voeux qui s'exaucent dans leurs pensées est néanmoins rompue quand un couple sans handicap, Manu (Becado) et Teri (Shantal Weche), fait irruption dans le film à travers un montage alterné progressif, et que la liaison du premier avec Abel fait apparaître deux triangles amoureux avec un sommet commun. Dans une scène simplement exécutée, mais assez hilarante, Manu et Abel profitent de la cécité de Brian pour avoir des relations sexuelles sous ses yeux, littéralement. Au début, Brian ne remarque rien, mais avec ce développement, Hauser fait passer son film sur un autre régime avec des gags bien amenés qui produisent, dans une grande économie de moyens, un bel effet de surprise et rappellent beaucoup... une vidéo TikTok qui est devenue virale, pardi ! (Il convient de préciser, pour avoir une idée, que sur le portail de festivals de cinéma Film Freeway, le budget indiqué pour Blind Love est de 2000 $ seulement, de sorte que la comparaison avec les nouveaux médias comme TikTok et Vines est on ne peut plus pertinente !)

Un des traits qui fait que Blind Love sait se faire aimer est son dénouement étonnamment glauque. Hauser rebrousse soudain chemin, après les gags de préservatifs usés et de pets du deuxième acte, et s'engouffre dans une allégorie sociale assez sombre, qui montre sans ménagement l'intolérance qui peut définir la société kényane. Non sans avoir livré au préalable un retournement final. Les programmateurs de festivals et les aficionados de cinéma africain devraient avoir un faible pour Blind Love

Blind Love est une coproduction entre le Kenya et la Suisse, pilotée par la société Mamafrica de Damien Hauser. Les ventes internationales du film sont assurées par Okada Media.

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(Traduit de l'anglais)

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