email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BLACK NIGHTS 2021 Compétition

Critique : Herd Immunity

par 

- Le nouveau film d’Adilkhan Yerzhanov réunit de nouveau une troupe divisée entre clowns blancs et augustes, mais le résultat est bien moins efficace que ce qu’il avait obtenu avec Yellow Cat

Critique : Herd Immunity
(centre) Nurbek Mukushev et Assel Sadvakassova dans Herd Immunity

Nous avons beaucoup entendu l’expression "immunité collective" (herd immunity en anglais, ndlt.) ces deux dernières années, et pour de très bonnes raisons. Le nouveau film d’Adilkhan Yerzhanov, qui a fait sa première mondiale en compétition au Festival Black Nights de Tallinn, tente de surfer sur le haut de cette vague avec une histoire qui se passe à Karatas, un village rural corrompu (et très, très isolé) qui se trouve forcé de gérer l’urgence du coronavirus et de restreindre la liberté de mouvement de ses habitants.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

L’intrigue de Herd Immunity s'articule autour du personnage de Selkeu Uashev (Daniyar Alshinov), un policier local vêtu d'une chemise rose fuchsia improbable qui, avec son bras droit Zhamzhysh (Nurbek Mukushev), ignore la plupart des crimes et délits et négocie des pots-de-vin, ce qui a le plus souvent des résultats tout à fait déplorables. Selkeu se défend en disant que la plupart des locaux ont besoin, pour joindre les deux bouts, d’enfreindre la loi par des combines à la petite semaine et en vendant de la vodka. À un moment, le village est placé en confinement et l'ex-femme de Selkeu, Turiya (Assel Sadvakassova) rend visite aux deux ripoux. Elle s'allie à eux pour capturer un type du coin nommé Zambeke (Bauyrzhan Kaptagay) qui refuse d’obéir aux autorités. Apparemment, elle fait partie d’une commission mandatée par la grande ville la plus proche qui reunit une vaste bande de policiers maladroits et le nouveau mari de Turiya, un officiel haut placé qui s’appelle Gurbeken (Yerzhan Zhamankulov) et serait en mesure de pistonner Selkeu pour qu’il obtienne un meilleur travail en ville, si les choses se passent bien.

Comme il l'avait fait pour Yellow Cat [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
, présenté en 2020 dans la section Orizzonti de la Mostra de Venise, Yerzhanov imprègne son nouveau film d’une atmosphère par trop absurde et y entasse une foule de personnages fantaisistes. La troupe des comédiens semble se diviser en deux camps : les clowns blancs et les augustes, les premiers représentant l’autorité et une sorte de "sens commun" ((Gubarken et Turiya, par exemple), les autres servant à remettre en cause les premiers et faisant les choses comme ils l'entendent (Selkeu et Zhamzhysh en particulier).

À côté de cela, Selkeu rêve de monter à Karatas une compagnie de danse appelée "Les Racailles", mais il est forcé de répondre aux demandes d'un mafieux local (et aspirant-cinéaste) appelé Bula (et interprété par un réalisateur dans la vraie vie, Bolat Kalymbetov). Pendant le film, le spectateur découvre beaucoup de choix créatifs qui accentuent les éléments plus surréalistes du récit, mais la plupart de ces choix aboutissent à un humour qui a du mal à faire rire. Dans Yellow Cat, la tendresse et la naïveté des personnages rattrapaient les imperfections du film et sa forme narrative fragmentaire, ce qui d'une certaine manière collait bien avec le ton général. Ici, on voit un type similaire de naïveté, mais les personnages sont immergés dans un contexte social plus réaliste, avec des urgences concrètes en toile de fond, et l’écriture n’est pas suffisamment bien équilibrée pour engager le public à avoir de l’empathie ou à s’amuser avec cette bande d’individus qui font n'importe quoi.

Il faut souligner aussi que la nature tragi-comique de l’urgence elle-même aurait pu inspirer à l'auteur des solutions plus facétieuses. Au lieu de cela, les solutions choisies sont limitées au dispositif d’intrigue assez mince du confinement, et à des gens qui se saluent en se cognant les poings et en disant "coronavirus", alors que la plus grande majorité des personnages qui apparaissent à l’écran ne portent jamais de masques et ne mentionnent jamais le monde dans son ensemble, globalement frappé par l'urgence sanitaire. Dans ce sens, Herd Immunity échoue à faire ce que Bad Luck Banging or Loony Porn [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Radu Jude
fiche film
]
de Radu Jude a si bien réussi en début d'année. Les comédiens et leurs caractéristiques grotesques avaient indéniablement du potentiel, mais il se perd vite à cause de certaines sous-intrigues extrêmement oubliables (comme celle avec l'orphelin de 17 ans) et de liens peu clairs entre les différentes scènes.

Dans un des plans finaux, Gurbeken dit à Selkeu qu'il faut des règles pour danser, et il a raison : un peu plus de règles dans son approche de l'écriture et de la mise en scène auraient pu aider Yerzhanov à nous livrer un récit plus intéressant qui aurait constitué une meilleure exploration artistique de sa vision clownesque du monde.

Herd Immunity a été produit par la société kazakhe Short Brothers en coproduction avec la maison française Arizona Productions, qui s'occupe aussi des ventes internationales du film.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy