email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

ASTRA 2021

Critique : A Black Jesus

par 

- Luca Lucchesi retourne dans la ville de son père en Sicile pour raconter une histoire de foi et de xénophobie

Critique : A Black Jesus

Il y a sans doute des centaines de documentaires qui explorent, expliquent et dissertent sur le phénomène migratoire qui a pris toute l’Europe par surprise cette dernière décennie, mais le réalisateur italien Luca Lucchesi l'aborde en adoptant un point de vue nouveau dans son premier long-métrage documentaire, A Black Jesus [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, actuellement en compétition au Astra Film Festival : un petit village sicilien vénère une statue de Jésus noire, tout en rejetant le fait que les réfugiés africains sont accueillis sur place dans un camp.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

A Black Jesus, produit par le célèbre cinéaste allemand Wim Wenders, propose une juxtaposition percutante, en réunissant foi chrétienne (et son message de toujours sur l'acceptation et l’impératif d'aider ceux qui ont été moins bénis par la vie) et xénophobie, le tout dans un petit village pittoresque qui semble avoir rassemblé toutes les nuances possibles de peaux bronzées sur les murs de ses bâtiments, de l’orange au brun. À Siculiana, l'événement annuel le plus joyeux est la Fête du crucifix, qui a lieu tous les 3 mai : une lourde statue représentant un Jésus noir y est hissée sur un piédestal encore plus long lourd, puis portée par des dizaines d’hommes à travers les rues étroites du village.

Certes, le documentaire montre dans le détail l'émotion profonde et la ferveur que les habitants ressentent avant et pendant la procession, mais ce n'est pas la seule chose qui intéresse Lucchesi ici. Dès la toute première scène, on voit des immigrants africains parlant du paradoxe au cœur même de cette situation : "les gens ici n’aiment pas les noirs, mais ils adorent une statue noire". C’est en effet un point de départ intéressant, et le documentaire est bien déterminé à creuser à fond la question, en présentant sur les 90 minutes qu’il dure plusieurs points de vue valides.

La piste de réflexion la plus forte du documentaire est sans doute celle qui concerne le futur de la communauté. Au-delà des perspectives des réfugiés, qui attendent leurs papiers (dont il est fort probable qu’ils n'arriveront jamais), il se pourrait bien que les locaux n’aient pas d’avenir non plus. On voit des adolescents qui ne rêvent que de partir pour trouver une vie meilleure ailleurs en Italie, ou dans le monde, des vieillards qui se plaignent de ne plus voir d’enfants jouer dans les rues de Siculiana, ce qui signifie que dans une génération ou deux, le village sera déserté. Et malgré tout, la communauté continue de rejeter les nouveaux arrivants, qu'elle voit comme des intrus ou même des criminels quand ils pourraient être ses sauveurs, prêts à injecter un sang neuf dans cette communauté vieillissante.

Du côté des réfugiés, le personnage le plus lumineux du documentaire est sans nul doute Edward, un jeune homme de 19 ans venu du Ghana. Il relate ce qu'il a vécu et on le voit abasourdi par sa nouvelle situation : sans travail ni papiers, à vivre dans un pays qui le rejette tout en attendant de lui qu’il apprenne sa langue. Pourtant, aussi difficile que soit sa situation actuelle, elle reste mille fois meilleure que celle qu’il pourrait espérer s'il retournait au Ghana.

A Black Jesus est clairement une invitation à la communication et à l’inclusion. Bien que le film explore les problèmes sociétaux en cause (en pointant du doigt le gouvernement italien) qui expliquent sans doute la scission entre les deux communautés, les locaux et les réfugiés, il montre aussi un moment très beau où quatre réfugiés sont accueillis comme des porteurs de crucifix à la fête. On voit là l’effet impressionnant que la communication et la capacité à faire des compromis peuvent avoir sur ce genre de situation, mais peu importe le niveau d'interaction des deux communautés, seules des décisions politiques peuvent permettre de trouver une solution sur le long terme.

A Black Jesus a été produit par la société allemandeRoad Movies en coproduction avec la NDR - Norddeutscher Rundfunk. Les ventes internationales du film sont assurées par filmdelights.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy