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Critique : Life of Ivanna

par 

- Dans son premier long-métrage documentaire, Renato Borrayo Serrano dresse le portrait sans compromis d’une femme coriace qui vit dans des conditions difficiles

Critique : Life of Ivanna

Le premier long-métrage documentaire de Renato Borrayo Serrano (né au Guatemala mais installé en Russie), Life of Ivanna [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, qui a fait sa première mondiale dans la section World Showcase de Hot Docs, suit une femme coriace qui vit dans des conditions très rudes. Le film, qui se passe dans la région brutalement inhospitalière de la Sibérie du Nord où vit le peuple nénètse, est un récit sans compromis, ce qui en fait une expérience difficile et souvent troublante pour le spectateur.

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Ivanna vit avec ses cinq jeunes enfants dans une cabane posée sur des skis, dans ce qui pourrait être décrit comme la version toundra sibérienne d’un parc de mobil homes. En tant que membre de l'ethnie des Nénètses, elle dépend entièrement des rennes pour tout : abri, nourriture, vêtements et transport. Tandis que les tempêtes de neige font rage au dehors, la famille cuisine, mange, dort et joue dans l'unique pièce dans se compose leur habitation.

Grâce à l'approche observationnelle stricte que Serrano choisit d'adopter au début, le spectateur est vite pleinement immergé dans cet environnement lointain et chaotique dont on voit rarement des images, et ce n'est qu'après qu'il apprend comment Ivanna s’est retrouvée à élever seule ses cinq enfants, à l’âge de 26 ans seulement. Au moyen d'une interview et de quelques vidéos en VHS, on apprend que sa famille a accueilli Gena, son futur mari, après la mort de ses parents par noyade. Le couple s’est mis à vivre ensemble quand elle avait 14 ans, et après être tombée enceinte à 16 ans, elle a quitté le pensionnat russe où elle était élève.

On ne rencontre pas Gena jusqu’à plus de la moitié du film. Il a en effet quitté sa famille pour tenter, sans succès, d’obtenir un emploi chez Gazprom à Tukhard, à 200 km de la toundra. Ivanna prépare la cabane, les enfants, le renne et, après un voyage que le spectateur perçoit comme brouillard enneigé dans les ténèbres nocturnes, les voilà qui arrivent dans la maison que Gena partage avec plusieurs autres hommes qui passent leur temps à boire et à se battre. Il apparaît assez vite que le mari a conservé une bonne partie de son énergie violente pour la défouler sur sa femme, sous la forme d’un mélange de désir sexuel inarticulé et d’agression, mais Ivanna, qui a déjà prouvé sa résistance et sa force mentale, dissipe rapidement toute impression qu’on pourrait avoir qu'elle est une victime sans défense de violence domestique.

Dès avant ce second acte cauchemardesque aux relents de vodka qui se passe à Tukhard, le documentaire de Serrano ne retient pas les coups. Une scène filmée dans la toundra montre Ivanna et les enfants en train de manger la chair d’un renne éviscéré, avant de jeter le reste aux chiens.

Une question intéressante qu'on se pose en regardant ce documentaire porte sur la manière dont il a été filmé. La cabane d’Ivanna a déjà l’air trop petite pour toute la famille, alors comment la personne qui manie la caméra a-t-elle pu y entrer ? À un moment, dans la toute première séquence (un plan fixe prolongé sur Ivanna en train de débarrasser la table), elle se retourne, regarde la caméra et rit, comme si elle venait de se rappeler que l'appareil était là.

Si ce documentaire a inévitablement une dimension ethnographique, il constitue avant tout une étude de caractère, le portrait d’une personne à la fois commune et extraordinaire. Dans sa dimension sociale, il défie les stéréotypes et les attentes. Non qu'Ivanna pense jamais en termes de droits des femmes : elle a d’autres problèmes plus urgents à traiter et n'aime pas les calembredaines d'où qu'elles viennent, surtout si elles sortent de la bouche de son bon à rien de mari.

Life of Ivanna a été coproduit par Ethnofund Film Company (Russie), Ten Thousand Images (Norvège), Illume Oy (Finlande) et Baltic Film Production (Estonie). Les ventes internationales du film sont assurées par CAT & Docs.

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(Traduit de l'anglais)

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