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SOFIA 2021

Critique : German Lessons

par 

- Ce premier long-métrage par Pavel Vesnakov nous fait faire un parcours lunatique dans les quartiers les plus miteux de Sofia et explore les errances d’un homme en pleine crise de la cinquantaine

Critique : German Lessons
Julian Vergov et Vasil Banov dans German Lessons

“Quoi que je fasse, je me plante", grommelle le personnage principal de German Lessons [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Pavel G. Vesnakov
fiche film
]
de Pavel Vesnakov, Nikola (Julian Vergov), un homme en colère dans sa cinquantaine sur le point d’émigrer en Allemagne, un jour seulement après le terme de sa libération conditionnelle pour coups et blessures sur le nouveau mari de son ex femme (Stefka Yanorova). Son tempérament irascible semble l’avoir condamné à une série d’échecs successifs, et il est définitivement trop tard pour espérer accomplir un jour quelque chose dans la vie, quoique... Il n'est pas trop tard pour émigrer. L’Allemagne, symbole d’ordre et destination utopique type pour de nombreux Est-Européens, représente le désir d’une vie mieux régulée.

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Cela dit, même l’idée de quitter le pays n'est pas la sienne : elle vient de sa petite amie, une jeunette (Elena Telbis). Nikola, sensible et émotif sous ses dehors patibulaires, sent déjà la nostalgie de cet univers si familier qu’il est sur le point de laisser derrière lui, et il est ambivalent quant au résultat futur de la nouvelle entreprise qu'est ce départ. Il passe ses quelques dernières heures avant le départ submergé dans des tentatives frénétiques de régler toutes ses affaires, de se réconcilier avec ses amis proches et possiblement de rattraper des occasions manquées. Tandis qu'il parcourt en voiture une Sofia sale et délabrée, il a pour seule compagnie des leçons d'allemand débutant sur son autoradio, la dépouille du chien de son père dans le coffre et une chemise blanche fraîchement repassée suspendue au dossier du siège passager. C’est une chemise blanche très spéciale, qu’il compte porter pour se blinder des petits mensonges sans gravité qu'il va dire à ses parents soupçonneux (Vasil Banov et Meglena Karalambova) ; elle va l'aider à apaiser leur anxiété par rapport à ses échecs futurs tout en soulageant sa propre nervosité, son sentiment de culpabilité et sa honte.

German Lessons, qui vient d’être présenté au Festival international de Sofia, est un film poétique à plusieurs niveaux de lecture qui comporte des séquences mélancoliques et contemplatives, néanmoins habilement montées, et un récit complexe néanmoins relaté de manière fluide qui aborde des sujets existentiels universels tout en étant pertinent au niveau local. Pour le public international, c’est une histoire personnelle par laquelle on se laisse facilement happer, celle d'un homme d'âge mûr qui court désespérément après la dernière chance que pourrait lui offrir la vie. Et la palette d’émotions riche et ambiguë de ce personnage principal est magistralement rendue à l’écran par Julian Vergov, qui arbore ici une apparence dépenaillée de délinquant qui colle bien avec le peu d’estime de soi de Nikola et son passé obscur. Pour les experts en Europe de l'Est attentifs à l’angle socio-politique, le film propose un tableau subtil d’une époque particulière et des valeurs qui vont avec. Trente ans après la chute du communisme, Nikola, 50 ans, représente toute une génération éduquée dans un système qui s'est écroulé avant que n'arrive le merveilleux futur qu'il promettait, de sorte qu’il a fallu se construire une nouvelle vie dans un autre système. Nikola fait partie de ces gens qui n’ont jamais réussi à s’adapter, mais qui continuent de se languir de cette terre promise qui serait encore là, quelque part. Dans ce sens, German Lessons fait figure de photo de groupe d’un sentiment commun qui enveloppe une Bulgarie faite d’échecs et de désespoir, mais où existe aussi un vague espoir d'évasion du réel lié à l'idée que la prospérité n’est possible qu’à l’étranger.

Pavel Vesnakov, reconnu sur la scène internationale pour les messages audacieux qu'il a fait passer jusqu'ici dans ses courts-métrages, a déjà témoigné de ses affinités esthétiques particulières avec les personnages en marge de la société, perdus dans un environnement sinistre, privés de l'opportunité de faire un coup intéressant dans le jeu d’échecs de leur vie. Ce premier long-métrage, qui a donc eu une gestation très longue, constitue la somme, pleine de maturité, de toutes ces enquêtes artistiques et thématiques, mais c’est aussi une étude approfondie et intuitive sur une société décadente et déroutée.

German Lessons a été produit par la société bulgare Moviemento, en coproduction avec la maison allemande Heimathafen Filmet la britannique Jaegerfilm.

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(Traduit de l'anglais)

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