email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

NAMUR 2020

Critique : Une vie démente

par 

- Les réalisateurs belges Raphaël Balboni et Ann Sirot livrent un travail d’équilibristes, abordant avec fantaisie et détermination un sujet grave

Critique : Une vie démente
Jo Deseure, Jean Le Peltier et Lucie Debay dans Une vie démente

Avec Une vie démente [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Raphaël Balboni & Ann Sirot
fiche film
]
, leur premier long métrage qui fera l’ouverture du Festival International du Film Francophone de Namur ce 2 octobre, Raphaël Balboni et Ann Sirot traitent avec émotion et humour un sujet grave : que fait-on quand nos parents retombent en enfance ? Doit-on mettre sa vie entre parenthèses en attendant leur mort ?

Alex (Jean Le Peltier) et Noémie (Lucie Debay), la trentaine, voudraient avoir un enfant. Mais leurs plans sont chamboulés quand Suzanne (Jo Deseure), la mère d’Alex, se met à faire de sacrées conneries. C’est parce qu’elle a contracté une "démence sémantique", maladie neurodégénérative qui affecte son comportement. Elle dépense sans compter, rend des visites nocturnes à ses voisins pour manger des tartines, se fabrique un faux permis de conduire avec de la colle et des ciseaux. Suzanne la maman devient Suzanne l’enfant ingérable. Drôle d’école de la parentalité pour Noémie et Alex !

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

C'est bien autour de ce paradoxe que se déploie l'histoire d'Alex, Suzanne et Noémie : est-ce vraiment le bon moment pour faire un enfant quand votre propre mère semble retomber en enfance ? Alors qu’ils s’apprêtent à donner la vie, celle-ci semble se dérober du côté du Suzanne. Et pourtant à bien y regarder, cela fait longtemps que Suzanne n’a plus été aussi en vie que depuis qu’elle est malade. Tour à tour dépassé et hyper-volontaire, Alex va pleinement prendre en charge la maladie de sa mère, dont l’autonomie faiblit à vue d’oeil.

La maladie isole, la malade bien sûr, mais aussi son entourage. C’est le regard lucide mais aimant de Noémie qui va permettre à Alex d’embrasser la maladie, la folie de sa mère plutôt que de la combattre. Car étrangement, alors que l’aliénation mentale de Suzanne la libère, qu’elle est comme délestée de toute inhibition, c’est son fils qui va devoir à son tour s’affranchir. Cette folie, que dit-elle en fin de compte de nos vies bien rangées, où tout est si cadré ?

Pour traiter ce sujet grave, les cinéastes ont choisi de le ramener du côté de la vie. Grâce à leur méthode de travail, à un dispositif saisissant, et à un équilibre fragile mais bouleversant entre humour et émotion, ils parviennent, sans jamais nier la gravité de la situation, à aborder avec fantaisie et légèreté un sujet lourd, résolvant avec habilité cette riche équation rendue possible par le cinéma : un fond tragique multiplié par une forme comique donne de l’émotion.

Une vie démente fait partie d’une série de longs métrages ayant bénéficié d’un soutien spécifique du Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles dédié à des films dits à "production légère", c’est-à-dire que leur budget avoisine les 400.000€. C’est peu, pour un long métrage, mais ces contraintes budgétaires ont été intégrées dès la conception au projet artistique d’Une vie démente.

Sirot & Balboni ont pour méthode de partir de ce qu’ils appellent des "opportunités" (des comédien·nes avec lesquel·les ils ont envie de travailler, des lieux où ils ont envie de tourner) pour construire au fur et à mesure leur récit. Le scénario s’écrit lors de nombreuses répétitions, petit à petit. Les comédien·nes, leurs corps et leurs personnalités, tout comme les décors, participent de la matière du récit, qui se développe comme un organisme formé de toutes ces parties, dès sa conception.

L’économie de moyens est ici transcendée par une créativité formelle habile et signifiante, comme ces quelques scènes confrontant le couple et Suzanne au monde extérieur tournées dans un studio unique. Le procédé d’invention du récit en collaboration étroite avec les comédiens offre un sentiment de vérité saisissant, et donne l’impression que tous, finalement, sont follement en vie - le titre international est d’ailleurs Madly in Life.

Une vie démente est produit par Julie Esparbes pour Hélicotronc. Le film, vendu à l’international par Be For Films, sortira le 4 novembre prochain en Belgique, distribué par Imagine Film Distribution.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy