email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

SAN SEBASTIAN 2020 New Directors

Critique : Limbo

par 

- Le 2e film de Ben Sharrock est une satire incisive sur les attitudes adoptées par les Britanniques par rapport aux réfugiés de sexe masculin, formulée dans un style élégiaque et pince-sans-rire

Critique : Limbo
Vikash Bhai et Amir El-Masry dans Limbo

La comédie de réfugiés option humour pince-sans-rire parodiant la manière dont la société méprise les immigrants a une nouvelle recrue pour rejoindre L'Autre côté de l'espoir [+lire aussi :
critique
bande-annonce
Q&A : Aki Kaurismäki
fiche film
]
d'Aki Kaurismäki, et c'est, en plus, une des satires cinématographiques sur la culture britannique les plus incisives qu'on ait vue depuis des années. Ce qui est remarquable, c’est la manière dont le réalisateur de Limbo [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Ben Sharrock
fiche film
]
, Ben Sharrock, fait entendre ses arguments tout en restant attachant dans l'affection qu'il a pour presque tous les personnages, qu’il s'agisse de réfugiés, de jeunes natifs ou d'un couple excentrique qui accueille des classes d’"éveil culturel". On comprend sans difficulté que ce film amoureusement confectionné ait séduit ceux qui ont élaboré la sélection Label officiel de Cannes il y a quelques mois, avant que le film n’arrive au Festival de Toronto pour se retrouver à présent dans la section New Directors du Festival de San Sebastian.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Le musicien Omar est joué comme une âme tranquille et pensive qui contient un volcan en éruption par Amir El-Masry dans une excellente performance principale, très complexe. Omar arrive dans une Écosse superbe (qui semble tout droit sortie de Local Hero) avec son oud sous le bras comme si c'était un fusil. L’iconographie est celle du western, mais on n'ira pas non plus jusqu'à qualifier Omar de cowboy des temps modernes. Il erre par nécessité, parce qu'il a été forcé de quitter la Syrie par la douleur de la guerre, et il essaie à présent de se forger une place dans le monde. C’est un homme brisé. Comme il a le bras dans le plâtre, Omar ne peut pas jouer de son instrument, et le fait qu'il soit limité dans ses mouvements est autant un nœud de l’intrigue que la jambe cassée de Cornell Woolrich dans Fenêtre sur cour. Et puis il y a le fait qu'il a vécu un traumatisme...

Limbo est un film plein de sémiotique et de doubles sens, certains plus littéraux que d’autres. Les panneaux au-dessus des centres d'accueil et les panneaux d’annonce des supermarchés sont amusants et bouleversants, souvent en même temps. Parfois, le film est hilarant au moment même où il formule des arguments politiques capitaux. Le film est aussi une satire des attitudes britanniques autant qu'une histoire d’âmes égarées. Les classes d’"éveil culturel" organisées par Helga et Boris (Sidse Babett-Knudsen et Kenneth Collard, tous deux excellents), où on enseigne l’étiquette de la galanterie et comment se porter candidat pour un emploi à une bande de "marginaux", notamment les nouveaux colocataires d'Omar, Farhad (Vikash Bhai), Wasef (Ola Orebiyi) et Abedi (Kwabena Ansah), comptent parmi les meilleures scènes du cinéma britannique qu'on ait vues depuis des années. Ces classes servent aussi, si on le souhaite, à mettre à mal les stéréotypes racistes sur les réfugiés de sexe masculin comme des profiteurs, des violeurs et des escrocs des allocations.

Les acteurs secondaires ont tous leurs particularités, qui les rendent humains et montrent combien ils sont au fait de tout ce qui concerne la musique, le sport et le divertissement occidentaux. Farhad adore Freddie Mercury, un musicien dont l’héritage indien et l’homosexualité ont fait la joie des magazines au sommet de sa gloire. Wasef et Abedi se disputent à propos du football et de la série Friends. Limbo est un film tellement unique qu'il paraîtrait inélégant de mentionner qu'il est un petit peu moins bon quand il ne déguise pas le pathos, mais même ainsi, la mer furieuse semble un tableau de Constable.

Le premier long-métrage de Sharrock, Pikadero [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Ben Sharrock
fiche film
]
, réalisé avec un micro-budget, était un histoire d’amour en période de crise économique tournée en langue basque qui a remporté des prix à San Sebastian ainsi que le Prix Michael Powell du meilleur film britannique en 2016. Limbo est la confirmation que Sharrock est plus qu’un talent de la réalisation : c’est bien un cinéaste, qui peut prendre un sujet à la Ken Loach et le raconter comme si c'était une comédie des frères Coen.

Limbo, une production entièrement britannique de Caravan Cinema, est un film de Film4, Screen Scotland et du BFI. Ses ventes internationales sont assurées par Protagonist Pictures.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy