email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

DOCAVIV 2020

Critique : The War of Raya Sinitsina

par 

- Efim Graboy apporte de la joie, et un peu de griserie, à un film autrement respectable quoiqu'un peu déjà vu

Critique : The War of Raya Sinitsina

The War of Raya Sinitsina [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, présenté dans le cadre de la Compétition israélienne de Docaviv, a un profil très familier : il met face-à-face un jeune réalisateur qui pose des questions et une survivante de guerre réticente à apporter toutes les réponses. Mais elle a une raison d'être évasive, car Efim Graboy lance son documentaire sur un gimmick, annonçant qu'il va maintenant interroger son sujet et enchaînant sans tarder sur un jeu d'association de mots paroles : il dit "mari", elle répond "oublié" ; il dit "guerre", elle répond "effrayant". Il le répète, encore et encore, jusqu'à la faire finalement exploser : "Je n'arrive tout simplement pas à trouver un autre mot pour la décrire !". Il y a des choses qu'on ne peut tout simplement pas décrire, ou c'est qu'on ne veut pas le faire.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Le début est maladroit, mais montre un fait que Graboy semble accepter pleinement tel quel par la suite : on peut débuter un film avec de nombreuses idées, mais c'est au personnage de donner le rythme. Surtout que Raya, déjà nonagénaire, ne semble pas du tout accrocher aux gimmicks, et remet en question les méthodes et les connaissances du réalisateur dès qu'elle en a l'occasion. "Comment pouvez-vous faire ce film si vous ne savez rien sur rien ?", demande-t-elle. Mais passées les premières confrontations, il commence à l'écouter, et elle à parler, faisant même observer qu'elle tomberait sans doute sous son charme si elle était bien plus jeune – bien que, tenez-vous bien, il ne soit même pas son genre.

On éprouve beaucoup de joie à observer cette amitié improbable et la façon dont elle fleurit, atteignant son paroxysme au moment où ils partagent un joint sur un banc. Mais Graboy s'intéresse également à une autre histoire : la façon dont la guerre est présentée de nos jours, comme un évènement glorieux et triomphal qu'on doit célébrer en fanfare (avec des feux d'artifice, de préférence). Il semble que, pour les gens comme Raya, il est parfois plus simple de ne pas partager certaines de leurs histoires (du moins celles qui, comme elle le dit, pourraient donner des cauchemars aux autres) et de participer aux festivités en se contentant de hocher poliment la tête quand quelqu'un les qualifie de "vainqueurs". C'est une situation intéressante, car Raya n'adhère pas vraiment à cette version de l'histoire, étant par trop consciente des horreurs indescriptibles de la guerre, auxquelles elle a assisté – quoiqu'elle s'adresse malgré tout à quelqu'un en le qualifiant de "héros" par la suite, simplement parce qu'il pourrait en avoir besoin. "Il y a de moins en moins de vérité sur la guerre", dit-elle. Mais pour l'essentiel, elle semble s'en tenir à la sienne.

Il est vrai que Graboy gagne beaucoup du fait d'avoir pour personnage central cette dame à qui on ne la fait pas, facilement irritable mais forte, et tiraillée par les contradictions entre ce qui se dit autour d'elle et ce dont elle se souvient en réalité. Car aucune des statues commémorant la guerre ne montre des femmes, ni le fait qu'elles n'ont souvent plus eu leurs règles jusqu'à la fin du conflit, ni cette écolière dont elle se souvient, allongée face contre terre dans la neige, la jupe retroussée. C'est pour ça que des témoignages tels que celui-ci, même s'ils sont reconnaissables, demeurent capitaux – capitaux si on veut se souvenir, au milieu du brouhaha de tous ces discours vides et des fleurs emballées de plastique qu'on donne aux vétérans, de ce qu'était vraiment la guerre et, par-dessus-tout, de ce qu'elle n'était pas. Rangez donc ces feux d'artifice.

The War of Raya Sinitsina a été produit par Yahaly Gat et le réalisateur lui-même pour Muse Productions (Israël).

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais par Alexandre Rousset)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy