email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FILMS / CRITIQUES Suisse

Critique : Les enfants du Platzspitz

par 

- Le nouveau film de Pierre Monnard s’attaque avec courage et humanisme à un chapitre sombre de l’histoire suisse

Critique : Les enfants du Platzspitz
Jerry Hoffmann, Sarah Spale et Luna Mwezi dans Les enfants du Platzspitz

Le nouveau film de Pierre Monnard, Les enfants du Platzspitz [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, dont la distribution a été interrompue à cause de la pandémie du Covid-19, est tout de même parvenu à atteindre en janvier le nombre gratifiant de 300 000 entrées dans les salles suisses allemandes. La Suisse française a de son côté dû attendre le 16 août pour apprécier ce film courageux, qui s’aventure dans les entrailles obscures de l’histoire suisse vue à travers les yeux d'une petite fille.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Monnard a décidé de faire revivre une période inquiétante (quoique dangereusement fascinante) non seulement de son adolescence, mais aussi et surtout de l’histoire de son pays. Les années 1980 et 1990 ont en effet été tristement marquées par la scène ouverte de la drogue, qui accueillait dans ses viscères un nombre incalculable de toxicomanes de toutes provenances pour consommer et trafiquer ce qui, pour eux, était devenu la seule source de réconfort. Zurich et ses squares de la drogue mal famés, Platzspitz puis Letten, était devenue la capitale incontestée de toute une génération d'héroïnomanes qui vivaient dans une espèce de communauté alternative constituée autour de la drogue, faite de violence, de trafic et d’indifférence. À la différence de beaucoup de ses compatriotes, qui auraient volontiers laissé de côté ce moment honteux de l’histoire helvétique, Monnard l'aborde de front, avec courage et sensibilité, à travers le regard désenchanté d’une pré-adolescente. Le film est tiré du livre autobiographique du même nom par Michelle Halbheer.

Nous sommes au printemps 1995, peu après la fermeture de la scène ouverte de la drogue au centre de Zurich (Letten). Mia (une incroyable Luna Mwetzi, pour la première fois sur le grand écran), 11 ans, et sa mère Sandrine (magnifiquement interprétée par Sarah Spale) emménagent dans un HLM situé dans un village idyllique de l’Oberland zurichois. Hélas pour Mia, ce "nouveau départ" sera de courte durée : les fantômes du passé feront brutalement leur retour. Sandrine est toxicomane, mais elle est tout de même parvenue à obtenir la garde de sa fille. Entre elles existe un lien invisible qui semble impossible à briser. Pour survivre à l'indicible, Mia se réfugie dans un monde imaginaire où la musique semble la seule consolation possible. Avec le passage du temps, l’absence de sa mère est comblée par une bande de jeunes qui tentent d'affronter la dureté du présent grâce à une solidarité improvisée. Comment faire pour aider une mère qui vit exclusivement pour la prochaine dose ? Est-ce que l’amour de sa fille va suffire à sauver une mère au bord du précipice ? Et surtout : est-il juste de demander à une enfant de le faire ?

Monnard pose dans Les enfants du Platzspitz toutes ces questions et bien d’autres encore, mais il refuse de nous donner des réponses préfabriquées (et on ne peut que lui en savoir gré !). Sandrine, malgré sa toxicomanie, réussit à nous faire entrevoir une maternité "alternative", loin des clichés qui la font rimer avec conformisme et perfection suffocante. Sandrine voudrait être une mère différente, indépendante et anticonformiste, mais hélasn la drogue a fait d'elle un fantôme parmi les fantômes, un être qui a fait de l’indifférence et du mépris des autres son armure. Le réalisateur nous parle de toxicomanie avec respect et avec un réalisme salvateur, comme pour nous rappeler que la société n’est pas seulement faite de braves soldats, mais aussi de rebelles qui, malheureusement, ne vivent de la révolution que le côté obscur.

Les enfants du Platzspitz est un film à la fois dur et poétique qui montre les conséquences de l’indifférence d’une société qui a préféré planquer ses problèmes sous terre plutôt que les aborder de front.

Le film a été produit par la société zurichoise C-FILMS AG avec SRF, SRG SSR et Teleclub AG. Ses ventes internationales sont assurées par Global Screen ; il est distribué en Suisse par Ascot.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy