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VISIONS DU RÉEL 2020

Critique : El Father Plays Himself

par 

- Ce 3e long de Mo Scarpelli, sur l'éloignement de membres d'une même famille, l'amour et la réalisation de films, montre pourquoi employer son père dans son film n'est peut-être pas la meilleure idée

Critique : El Father Plays Himself
Jorge Roque Thielen dans El Father Plays Himself

Mo Scarpelli semble avoir une prédilection pour les lieux de tournage compliqués. Son premier long-métrage, Frame by Frame, réalisé avec Alexandria Bombach, suivait dans le détail l’histoire de quatre journalistes photographiques travaillant en Afghanistan. Son deuxième, Anbessa [+lire aussi :
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, explorait la construction, la mondialisation et l’occidentalisation à travers le regard d’un garçon de 10 ans en Éthiopie. Son troisième film, El Father Plays Himself [+lire aussi :
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, se passe sur un tournage de film au Venezuela, d'abord à Caracas puis, très vite, dans la forêt amazonienne. Le film a fait sa première mondiale dans le cadre de la compétition internationale longs-métrages de l’édition 2020 de Visions du Réel.

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Il serait erroné de concevoir El Father Plays Himself comme un documentaire "making of". Bien que toute l’action se déroule sur le tournage de La Fortaleza [+lire aussi :
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, dévoilé au Festival de Rotterdam en début d'année, le titre de ce film n’est jamais mentionné. C’est comme la distanciation sociale, avant l’arrivée du Covid-19. Du reste, comme Lost in La Mancha de Keith Fulton et Louis Pepe l'a montré en 2002, les meilleurs documentaires sur les tournages de films sont ceux qui s’intéressent aux gens qui font le film.

Scarpelli ne s’intéresse pas tant que ça au chaos que représente la réalisation d'un film (quoique le motif est présent dans son film) : elle tourne plutôt son attention vers la dynamique de la relation entre le réalisateur et son acteur. Dans El Father Plays Himself, ce lien est d’autant plus compliqué que le réalisateur, Jorge Thielen Armand (La Soledad, 2016), a choisi son père cinquantenaire Jorge Roque Thielen pour le rôle principal de son premier long-métrage.

Faire un film avec son père ne peut qu'être compliqué, même dans le meilleur des cas, mais quand ledit père est un alcoolique têtu, avec une saine défiance face à toute forme d’autorité, on est sûr de traverser quelques tourmentes. Le partenaire de production du réalisateur se demande si Armand a fait le bon choix d'acteur, suggérant même que le projet soit décalé jusqu’à ce qu’on trouve un remplacement. C’est une requête impossible à exaucer parce que le réalisateur a quitté le Venezuela l’âge de 15 ans et qu'il a écrit son film à partir de la vie de son père, en se concentrant sur les années qu’il a passées à faire de l’extraction d’or illégale dans les années 1990. Son désir de raconter cette histoire semble venir de son souhait de recréer un lien avec son père, d’une manière ou d’une autre – le fait qu'il ait convaincu ce dernier de quitter son travail et de jouer dans son film montre bien jusqu'où il était prêt à aller pour créer un rapprochement entre eux et bâtir une vraie relation avec lui.

Scarpelli ne formule pas de grand propos ici : elle se pose en observatrice intéressée. Ce qui n’est pas révélé, c’est que le père en question est aussi son vrai beau-père, mais être mariée au réalisateur auquel elle s'intéresse signifie aussi qu’elle a un accès incroyable à cette histoire, et toute la confiance des protagonistes. Elle est en mesure de dépeindre la facette vulnérable du cinéaste sans avoir besoin de le mettre à nu, révélant les tourments intérieurs qui le tarabustent, sous sa façade apparemment calme. Le regard ciblé sur l’élément psychologique de cette relation, le comportement imprévisible de l’acteur principal et les magnifiques paysages amazoniens font écho à Mon meilleur ami (1999), l'ode affectueuse de Werner Herzog au turbulent Klaus Kinski, avec lequel il allait faire cinq films.

Contrairement à ce qu’on trouvait dans ses deux films précédents, Scarpelli évite ici de considérer ce qui se passe dans le pays par ailleurs. Au-delà d’une affiche montrant le Président Maduro qu'on voit en chemin vers un des lieux du tournage, le film se tient à l’écart de toute discussion directe sur l’élection contestée de 2018. C’est un choix intelligent, car il y a déjà beaucoup d’éléments dramatiques dans cette collection d’observations fascinantes sur la relation filiale.

El Father Plays Himself est une coproduction entre le Venezuela, le Royaume-Uni, l’Italie et les États-Unis qui a réuni les efforts de La Faena Films, Ardimages UK, Rake Films, Channel 6 Media et TRES Cinematografía.

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(Traduit de l'anglais)

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