email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

SUNDANCE 2020 Compétition World Cinema Documentary

Critique : Acasă - My Home

par 

- Ce documentaire de Radu Ciorniciuc défie nos préjugés sur le foyer et la famille

Critique : Acasă - My Home
La famille Enache dans Acasă - My Home

Le premier long-métrage documentaire du Roumain Radu Ciorniciuc, Acasă - My Home [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Radu Ciorniciuc
fiche film
]
, projeté dans la section World Cinema Documentary Competition à Sundance (23 janvier–2 février) offre un accès au plus grand delta urbain de l’Europe, le Parc naturel de Văcăreşti à Bucarest, vu à travers les yeux d’une famille de gitans vivant dans une baraque au milieu des terres humides. Ce documentaire, bouleversant et pertinent, met au défi nos idées préconçues sur le foyer, la famille et le bonheur.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Nous y faisons connaissance avec les Enache, Gică et Niculina, qui vivent avec leurs neuf enfants dans une baraque sans électricité ni eau courante. Ciorniciuc a un accès extraordinaire à cette famille. On les voit entourés de toutes sortes d'animaux. Les enfants, menés par l'aîné, Vali, s'éclatent à fouiller la nature pour trouver de quoi manger, à pêcher dans le delta ou à attraper des oiseaux, dans des plans qui rappellent les films d’aventures sur les familles d’explorateurs parties vivre dans la nature sauvage il y a des siècles. Très vite, cependant, la réalité se met à envahir ce paradis : les jeunes Enache sont condamnés à un futur de pauvreté et d’illettrisme, et ce futur vient frapper à leur porte.

Bien qu'on suppose que Ciorniciuc et sa scénariste Lina Vdovîi se sont sentis impliqués dans le bien-être de la famille plus qu'on ne le voit sur le grand écran, le documentaire maintient une approche d’observation, avec une caméra (tenue par Mircea Topoleanu et Ciorniciuc lui-même) qui contemple la famille sans jamais être invasive tandis que cette dernière prend, au fil des événements, la mesure de ses manquements et difficultés. Le public a de nombreuses occasions de réviser ses propres idées sur le foyer et le bonheur quand les Enache sont arrachés à la nature et forcés de vivre dans un appartement à Bucarest. Est-ce que le bonheur, c'est avoir un toit qui ne fuit pas pendant une tempête ? Ou une cuisinière qui réchauffe la nourriture en tournant un bouton ? Non, ce n’est pas ça... Et tandis que le spectateur peut méditer sur tout ce qu'il tient pour acquis dans la vie, il peut aussi être impressionné par le peu qu’il faut à d’autres pour être heureux, et de voir avec quelle facilité le paradis peut être perdu.

Qu’est-ce qu’on ferait avec les enfants de cette famille ? Bien sûr, beaucoup parleraient d’éducation, d’intégration et d’un futur meilleur, et bien sûr, ce serait une réaction normale (si ce mot signifie encore quelque chose aujourd’hui) dans ce contexte. Mais ce film implique aussi que le système n’accepte que ceux qui sont déjà intégrés, et pèse sur ceux qui ne le sont pas de tout le poids de ses règles incompréhensibles et d'attentes qui semblent peu naturelles, pour finir par les rejeter à la première occasion.

La famille est présidée par un père pétri de contradictions qui se vante de son éducation mais jette les livres de ses enfants au feu et se sent validé en disant qu’il a été fonctionnaire, mais décourage son aîné de le devenir quand le jeune homme aurait une chance d’obtenir un emploi stable. Il est le méchant de cette histoire compliquée, l’origine des problèmes de la famille, un homme qui s'obstine à tout refuser et laisse ainsi à sa famille comme rude héritage l’ignorance et le traumatisme.

Acasă est difficile à regarder parce qu’il nous force à accepter l’incroyable avantage que nous avons eu au début de notre propre parcours dans la vie : des familles qui nous soutiennent, des foyers douillets, des revenus stables, un accès à l’éducation et une mémoire génétique bien ancrée de ce qui est attendu de nous pour se faire accepter. Nous ne sommes pas mieux que les jeunes Enache, nous avons eu juste eu plus de chance. Et le plus triste, c’est que même s'ils suivent les consignes et abandonnent leur manière de vivre et jusqu'à eux-mêmes pour être acceptés, le plus probable est qu’on les verra toujours comme des intrus, des citoyens de deuxième classe que la société ne fait que tolérer.

Acasă - My Home a été produit par Manifest Film (Roumanie) en coproduction avec Corso Film (Allemagne), Kinocompany (Finlande) et HBO Europe. Il arrivera dans les cinémas roumains au mois de septembre.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy