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IDFA 2019

Critique : Aswang

par 

- Le premier long-métrage d'Alyx Ayn Arumpac est un récit choquant sur la guerre brutale que mène Rodrigo Duterte contre la drogue

Critique : Aswang

Le premier long-métrage de la documentariste philippine Alyx Ayn Arumpac, Aswang [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, a été projeté dans la section First Appearance de l'IDFA. Dans le folklore philippin, “aswang” est un terme générique utilisé pour décrire différents esprits méchants qui changent de forme, comme les vampires, les spectres, les sorcières, les fantômes et les loups-garous. Depuis l’élection de Rodrigo Duterte en 2016, l'“aswang” et les meurtres sont devenus une partie conséquente de la vie de tous les jours à Manille, et partout dans le pays.

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Le film s’ouvre sur un plan flouté où apparaît un gyrophare de police. Le spectateur va entrer en contact avec le sujet principal dès les premières minutes du film, grâce à la narration en voix off et aux premières images qu'on voit d’une scène de crime. Arumpac documente la guerre cruelle du pays menée par le pays contre la drogue, au cours de laquelle des brigades tueuses composées de policiers massacrent, torturent et kidnappent des milliers de gens soupçonnés d’être impliqués dans des activités de trafic de drogue. Cette enfer sur terre est devenu la norme, dans le cadre de la nouvelle législation approuvée par le président Duterte, qui autorise la police à recourir à la force la plus brutale à l'encontre des pans les plus pauvres de la population, et ce sans grandes conséquences.

Arumpac suit en particulier un groupe de sujets sélectionnés, dont les vies sont liées à ces événements : un journaliste qui essaie de lutter contre les méthodes hors-la-loi du gouvernement, un médecin-légiste assez contenu, le courageux frère d'un missionnaire qui fait de son mieux pour réconforter des membres sa famille qui sont en deuil et un garçon des rues nommé Jomari, dont les parents ont été incarcérés et qui est forcé de vivre au jour le jour. Le témoignage de ce dernier est probablement le plus touchant et douloureux : Jomari rend visite à des amis morts au cimetière, où les pierres tombales sont à peine visibles, couvertes comme elles le sont de terre et de déchets. Dans ce film, Jomari représente la douleur de la génération perdue des enfants de Manille, dont l’avenir semble encore plus incertain.

Le travail de photographie d'Arumpac et Tanya Haurylchyk est plein de tact : les sujets se sentent manifestement libres de s’exprimer et d'évoquer leur combat quotidien. Les plans aériens de Manille sont très frappants visuellement et les districts les plus pauvres sont montrés dans toute leur misère. La plus grande partie du film se passe la nuit, de sorte qu'il est dominé par des couleurs sombres et les lumières froide des néons. C’est le moment où la plupart des meurtres surviennent et où la capitale devient un champ de bataille pour les vendeurs de drogue, les consommateurs, les criminels à la petite semaine et tous ceux qui sont considérés comme "suspicieux". On note avec intérêt que certaines des personnes interrogées soulignent le fait que les riches barons de la drogue ne sont jamais tués ou arrêtés pendant ces opérations : la plupart du temps, les victimes sont soit des petits déliquants, soit des gens qui se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment.

Dans l’ensemble, le film est un récit choquant et rare sur la dictature de Duterte et sa machine de mort perverse. C’est à la fois un travail d'information précieux et un coup à l'estomac pour le public international, qui n’est généralement pas au courant de la situation actuelle du pays asiatique, une situation terrible. Cette courageuse jeune réalisatrice n’a pas hésité à aborder de front ce sujet difficile et à prendre position clairement contre le gouvernement d’une nation qui se classe très mal en terme de liberté de la presse (elle est 134e sur 180 pays, selon un rapport publié en 2019 par Reporters sans frontières) et où les journalistes subissent constamment des pressions, la censure, des menaces et, dans des cas extrêmes, la mort.

Aswang a été produit par Armi Rae S. Cacanindin et la réalisatrice elle-même pour la société Cinematografica Films (Manille, Philippines), en coopération avec Les Films de l'oeil sauvage (France), Stray Dog Productions (Norvège) et Razor Film Produktion (Allemagne). Les ventes internationales ont été confiées à l'enseigne danoise LevelK.

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(Traduit de l'anglais)

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