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TÉLÉVISION

Critique série : Thanksgiving

par 

- Nicolas Saada livre une mini-série subtile et brillamment réalisée en croisant l’univers de l’espionnage industriel et le quotidien d’un couple franco-américain

Critique série : Thanksgiving
Evelyne Brochu et Grégoire Colin dans Thanksgiving

"Quand on aime quelqu’un, il faut accepter sa part de mystère… Et c’est pour ça qu’on l’aime". C’est sur cette citation empruntée au romancier Patrick Modiano, maître dans l’art des atmosphères étranges et opaques, que s’ouvre Thanksgiving, une mini-série en trois épisodes de 48 minutes diffusée le 28 février sur Arte et qui signe la première incursion très réussie de Nicolas Saada hors du territoire du grand écran où son talent original à mêler cinéma d’auteur et film de genre s’est fait remarquer avec Espion(s) [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
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qui avait été nominé au César 2010 du meilleur premier long et Taj Mahal [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Nicolas Saada
fiche film
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(dévoilé en 2015 à Venise, dans la section Orizzonti). 

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Trahisons, soupçons, contre-enquête, rendez-vous clandestins, surveillance, menaces suggestives, interrogatoires, attaques et défenses virtuelles, services secrets d’État et intermédiaires nébuleux : toute la panoplie classique du récit d’espionnage irrigue Thanksgiving dont l’intrigue se tisse de nos jours à Paris (sur un scénario écrit par le réalisateur avec Anne-Louise Trividic). Mais ici, nul coup de théâtre, ni course-poursuite et encore moins de violence ouvertement affichée : c’est autour de l’intériorité, de l’inquiétude et de la solitude que s’articule avec habileté le récit qui dessine autant la lutte contre la désagrégation d’un couple que le glissement progressif dans une dangereuse situation où les deux protagonistes tentent de manœuvrer sur un échiquier incertain dont ils ne sont que des pions. 

Développant dans la plus grande discrétion un logiciel capable de renvoyer les virus à leurs expéditeurs, Vincent (Grégoire Colin) est un petit génie français de l’informatique, diplômé du MIT et associé dans sa start-up avec Stéphane (Arthur Igual) qui gère les finances et la communication. De caractère plutôt froid et renfermé, Vincent traverse une mauvaise passe dans sa vie conjugale avec Louise (Evelyne Brochu), une Américaine dont il partage la vie depuis plus d’une dizaine d’années et avec qui il a deux enfants. Menant des existences de plus en plus dissociées, chacun penché le soir sur son écran (Louise a créé et s’occupe seule d’une société de location d’appartements haut de gamme), le duo laisse percer un malaise affectif, des soupçons et des désaccords de plus en plus perceptibles par leurs proches amis (incluant Dominic Gould et Frederik Wiseman). Et rien ne va s’améliorer, bien au contraire, quand Vincent est contacté secrètement (avec Hippolyte Girardot dans le rôle de l’émissaire) pour vendre et faire fuiter son logiciel. Une trahison qui le propulsera dans une lourde dimension de paranoïa fragile car le contre-espionnage français en charge de la cybersécurité s’en mêle. Or, Louise a aussi sa face cachée et ses propres objectifs avec la CIA (incarnée notamment par Stephen Rea) qui tire les ficelles, une activité dont les agissements de Vincent risquent de compromettre la couverture. S’enfonçant peu à peu dans une zone trouble de non-dits, de double langage et de désagréables découvertes mutuelles, le couple essaye de préserver ses sentiments dans cette périlleuse toile d’araignée tissée autour d’eux dont ils ne peuvent s’échapper et dont ils ne maîtrisent aucun des contours…

Mis en scène avec une très élégante maîtrise instillant un climat hitchcockien dans les moindres interstices de la banalité du quotidien professionnel et privé des deux protagonistes (excellemment interprétés), Thanksgiving se déploie en finesse autour de l’idée que "s’il faut chercher, c’est qu’on peut chercher". Un point d’entrée dans une nébuleuse intrigante que la musique de Grégoire Hetzel rend idéalement anxiogène, et dans un monde d’ombres de l’espionnage accélérant la perte d’identité des sentiments conjugaux. Et un bel hommage à une certaine idée du genre héritée du cinéma (clin d’œil au passage au Criminel d’Orson Welles), travaillant en sourdine, en déplacements et en regards, en signaux allusifs et en silence, bien loin du fracas grossier d’une masse de productions bas de gamme survendues par certains nouveaux supports de diffusion. 

Produit par Capa Drama, Thanksgiving est vendu par Newen Distribution.

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