email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2019 Panorama

Critique : Système K

par 

- BERLIN 2019 : Après Benda Bilili !, Renaud Barret signe un nouveau documentaire fascinant au cœur de Kinsasha dans le sillage d’artistes et de performers de rue hors normes

Critique : Système K
Le groupe Kokoko! dans Système K

"Nos œuvres se nourrissent du chaos, comme une population qui doit inventer en permanence les conditions de sa propre survie." Près de neuf ans après avoir stupéfait la Croisette, en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs avec Benda Bilili ! [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
qu’il avait co-réalisé, voici Renaud Barret deretour, cette fois en solo à la mise en scène,avec un documentaire non moins sidérant, Système K [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, dévoilé au Panorama du 69e Festival de Berlin. Immergé dans la fièvre frôlant l’abîme régnant à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo où il réside, le cinéaste français a décidé de braquer sa caméra sur d’extravagants performers artistiques, émissaires d’un "street art" artisanal d’une grande puissance créatrice, experts en recyclage de matériaux et en expression des souffrances d’un peuple en proie à l’extrême pauvreté et aux conflits armés. Là où "l’art est un luxe hors d’atteinte" pour beaucoup, où la simple quête de nourriture, d’eau ou d’électricité est le lot quotidien, surgissent donc dans la foule bigarrée des quartiers les plus déshérités, de nuit ou de jour, des personnages ahurissants, messagers symboliques semblant arriver tout droit d’une autre planète à l’image de Kongo Astronaute qui parcourt les rues vêtu de sa combinaison futuriste et se proclamant "un Congolais dans l’espace, l’espace Kinshasa".

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Galerie de portraits d’une dizaine de ces artistes plus qu’atypiques ("dans le ghetto, on me prend pour un fou") au regard de l’environnement ambiant où les rues en terre battue se transforment vite en cloaque et où l’obscurité nocturne atteint une densité particulièrement inquiétante à l’échelle d’une ville de 13 millions d’habitants, Système K se révèle un spectacle fascinant, ouvrant grandes les portes d’imaginations fécondes et un brin détraquées s’emparant des maux gangrenant leur société. Capsules, douilles de munitions usagées, crânes d’animaux morts, vieille machine à écrire, pédalier et chaine de vélo, matériel électronique au rebut, plastique fondu, aluminium, fumée : ces artistes locaux recyclent tout afin de fabriquer des œuvres d’art ou des costumes de scène, avec une inventivité sans bornes, ni tabou, mais qui ne manque jamais de sens. ("le coltan : on se tue dans l’Est pour ça, les enfants sont exploités dans les mines, ce sont les esclaves de la technologie"). S’ensuivent des performances de rue hallucinantes : on détruit à la masse des télévisions et des ordinateurs, on se roule au sol, pieds et mains entravées en brandissant la Bible afin de dénoncer l’emprise religieuse, on s’illumine de lampions bidouillés, on s’asperge d’eau et on s’étend dans une baignoire remplie de sang pour incarner la pénurie et la "démon-cratie", on s’enferme dans une maisonnette construite exclusivement en machettes pour faire écho aux tueries nationales, etc. De Freddy Tsimba dont les œuvres ont déjà acquis une reconnaissance internationale à Géraldine Tobe qui peint en utilisant la fumée, en passant par Béni Baras qui vit comme un SDF, le duo Flory - Junior, Yas, Majestik, Strombo ou encore le groupe Kokoko! (qui a aussi composé la musique du film), la passion créatrice de ces artistes est à l’image de la démesure de la ville car "vivre à Kinshasa, c’est déjà une performance."

Filmé avec une belle maîtrise formelle qui évite l’écueil de la caméra à l’épaule embarquée en catimini et qui témoigne d’un degré d’immersion locale très avancée (car tourner "proprement" dans les rues de Kinsasha relève de l’exploit), Système K, sans vraiment chercher à tisser un fil narratif artificiel, remplit à merveille sa mission d’amical découvreur de talents sortant totalement de l’ordinaire et apporte une réponse très personnelle à cette question posée par l’un des protagonistes : "ça commence où l’art ? Ça finit où ?"

Produit par La Belle Kinoise et Les Films en Vrac, Système K est vendu à l’international par Le Pacte.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy