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BERLINALE 2018 Compétition

Critique : Dovlatov

par 

- BERLIN 2018 : Aleksei German Jr est de nouveau en compétition à Berlin avec un portrait rétrograde de l'URSS des années 70 qui ne dit rien de neuf

Critique : Dovlatov
Milan Maric (gauche) et Helena Sujecka (centre) dans Dovlatov

Dans Dovlatov [+lire aussi :
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, en compétition au 68e Festival de Berlin, Aleksei German Jr. évoque une fois de plus l'État (d'esprit) soviétique, mais hélas, il plante son drapeau sur un territoire qui a déjà été conquis, cartographié et soigneusement sondé (encore tout récemment par Andreï Zviaguintsev dans Faute d'amour [+lire aussi :
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et Sergeï Loznitsa dans Une femme douce [+lire aussi :
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, pour ne citer que deux exemples). 

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L'histoire se passe en 1971 à la fin de l'automne, tandis que Léningrad célèbre la Révolution d'octobre. Un habitant de la ville, l'aspirant-écrivain Sergeï Dovlatov, a du mal à dormir, car il est harcelé dans son sommeil par des rêves sur Léonid Brejnev qui sont heureusement plus fatigants que terrifiants. Comme la vie en URSS, en somme : cela fait à présent presque 20 ans que Staline est mort (sur lequel il avait fait à l'époque un cauchemar prémonitoire de son inévitable arrestation, apprend-on assez vite), mais le régime communiste co-créé par lui est encore bien vivant, et dicte le quotidien de l'homo sovieticus.

German Jr. propose une visite détaillée de ce royaume et le personnage réel de Dovlatov, un écrivain dissident qui était le meilleur ami du lauréat du Prix Nobel Joseph Brodsky, fait plus figure de de vitrine d'exposition que de guide. La visite commence chez Sergeï, qui réside dans un appartement commun typique, habité par bien trop de gens représentant un éventail pléthorique d'extractions. Entre ces murs, il n'y a pas de possibilité d'intimité ou d'exprimer son individualité, et Dovlatov, avec son sens affuté de la répartie et son humour ironique, n'y est clairement pas à sa place. Il ne se retrouve vraiment pas dans le groupe et il n'en a d'ailleurs pas envie. Dans cette logique, il ne fait pas partie du syndicat des écrivains, de sorte qu'il ne peut pas être publié et quand on lui donne l'occasion de faire un reportage sur un film "d'entreprise" idiot tourné dans un enclos à bétail, comme il ne s'abaisserait jamais à cela, il écrit une pièce qui va aggraver encore davantage sa situation professionnelle. Pour couronner le tout, il est séparé de sa femme Elena et ils se partagent la garde de leur fille, avec laquelle il n'arrive pas établir un vrai lien. Il semble à ce stade que la situation de Dovlatov ne pourrait être pire que si on l'envoyait au goulag, et là encore, si c'était le cas, sur place, il pourrait au moins composer un grand roman dans le genre de celui de son camarade Alexandre Soljenitsyne… 

Hélas, la plupart du temps, le film sent le rance. Contrairement à son héros éponyme, ironique et agile intellectuellement, Dovtalov ne propose pas une perspective nouvelle sur l'époque et les gens qu'il montre. Sur le plan visuel, le film est certainement très séduisant : le chef-opérateur polonais Łukasz Żal semble s'être inspiré de l'esthétique du réalisme social et des films de feu Andrzej Wajda, créant un univers qui dégage quelque chose de chaleureux, apaisant et augural en même temps. L'ombre n'apparaît presque jamais à l'image, car il n'y a ici aucun recoin sombre où se cacher d'un Big Brother hypervigilant dont les agents sont partout. German Jr. sait sans nul doute choisir ses chefs-opérateurs : son film précédent, Under Electric Clouds [+lire aussi :
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, a gagné au terme de la 65e Berlinale l'Ours d'argent de la plus belle contribution artistique grâce au travail de Serhyi Mykhalchuk et Evgeniy Privin). L'ironie est que ce film qui parle d'un écrivain d'excellence manque autant de substance littéraire, et Dovlatov serait sans doute le premier à émettre un commentaire sarcastique sur la question.

Dovlatov a été produit par SAGa, Metrafilms et Channel One en Russie, en coproduction avec Message Film (Pologne), Art&Popcorn (Serbie) et Lenfilm (Russie).Les ventes internationales du film sont assurées par Alpha Violet.

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(Traduit de l'anglais)

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