email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CANNES 2015 Ouverture

La Tête haute : "Prends les mains qu'on te tend !"

par 

- CANNES 2015 : Emmanuelle Bercot ouvre le 68ème Festival de Cannes avec un film social hyper dynamique, émouvant et remarquablement interprété

La Tête haute : "Prends les mains qu'on te tend !"
Rod Paradot et Sara Forestier dans La Tête haute

Jeunesse et délinquance font bien souvent le miel empoisonné des médias sur fond de polémiques caricaturales autour des racines du phénomène et des remèdes à y apporter, traitements de choc ou potions douces-amères. En s'attaquant à ce sujet de société dans La Tête haute [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Emmanuelle Bercot
fiche film
]
, film d'ouverture hors compétition du 68ème Festival de Cannes, la réalisatrice française Emmanuelle Bercot s'exposait donc à de nombreux écueils simplificateurs et mélodramatiques. Mais c'est en souplesse, avec une grande habileté, de la justesse et beaucoup d'énergie que la cinéaste survole les obstacles, propulsée par de remarquables interprètes au premier rang desquels explose la révélation Rod Paradot, épaulé à merveille notamment par Catherine Deneuve et Benoît Magimel.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

"Depuis qu'il sait marcher, il est délinquant. Je crois que j'ai fait un monstre". Dans le bureau de la juge de la protection de l'enfance (Deneuve), une mère (Sara Forestier) parle de son fils de 15 ans qui rigole sous cape à ses côtés après avoir subtilisé une voiture pour un petit rodéo en ville (à Dunkerque, dans le Nord de la France) au son du rap Assassin de la police. Il faut dire que le trio présent dans la pièce n'en est pas à sa première rencontre, le prologue du film ayant montré, dix ans auparavant, la juge statuer sur la nécessité de retirer l'enfant à sa mère inconséquente. Et le temps n'a rien arrangé : Malony (Paradot) est devenu un écorché vif, un adolescent provocateur sous tension extrême, débordant d'une violence impulsive, complètement largué sur le plan scolaire, rebelle à toutes règles et autorité, et totalement imperméable à la perception des conséquences de ses actes. Mais il aura bientôt 16 ans et à ce rythme, c'est la prison qui le guette. Mis sous contrôle judiciaire et flanqué de Yann, son nouvel éducateur (Magimel), il prend donc la route pour six mois d'un CER (Centre Educatif Renforcé) à la campagne. Débute un travail très difficile ("arrêtez de me mettre dans des endroits bizarres qui me rendent fou", "j'ai pas de compte à rendre", "je parle pas aux faibles") pour surmonter l'emprise du chaos né du manque affectif et de la puissance du sentiment d'échec programmé qui ont façonné sa personnalité. Un parcours sur le fil du rasoir entrecoupé de dérapages, d'évasions et d'accidents, de déceptions ("vous et l'Education Nationale, c'est pas la love story"), de face-à-face électriques avec une juge bienveillante et néanmoins stricte ("on te donne beaucoup, mais tu ne rends pas grand chose", "on pose les rails, mais on ne peut pas conduire la locomotive à leur place"), de liens fragiles se nouant avec une jeune fille (Diane Rouxel) et avec Yann... Car chasser les fantômes du passé, apprendre à communiquer, à aimer et à s'aimer, se révéleront très loin d'être facile.

Avec La Tête haute, Emmanuelle Bercot atteint le bon équilibre entre une restitution au plus proche de la réalité (le portrait d'un jeune défavorisé d'aujourd'hui, le quotidien "héroïque" des juges et des éducateurs) et une intensité cinématographique emballante (un rythme percutant, un scénario très efficace signé par la réalisatrice avec Marcia Romano), jouant notamment du contraste entre son sujet dur et des extérieurs lumineux (avec l'excellent Guillaume Schiffman à la direction de la photographie). Hormis quelques astuces (une accélération légèrement "arrangée" de la dramaturgie), le film assume pleinement et avec son succès son parti-pris de traiter le monde de la jeune délinquance sans le surcharger d'obscurité, mais au contraire en y cherchant un espoir d'avenir. Une quête d'optimisme qui est également celle d'une cinéaste confirmant son talent à maturation et celle d'un Festival de Cannes ayant l'audace de confier son ouverture (d'ordinaire plutôt dédiée au glamour) à une oeuvre portant haut l'étendard de la justice sociale.

Produit par Les Films du Kiosque, La Tête haute est distribué mercredi 13 mai dans les salles françaises par Wild Bunch. Les ventes internationales sont pilotées par Elle Driver.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy