email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FILMS / CRITIQUES

La grâce

par 

- Le réalisateur allemand signe une oeuvre lumineuse sur la famille, la culpabilité et la rédemption dans les paysages glacés de la Norvège. En compétition à Berlin en 2012.

Comme c'est souvent le cas avec l'oeuvre de l'Allemand Matthias Glasner, La grâce [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Matthias Glasner
fiche film
]
(Mercy) est un film qui se mérite, de même que le lieu qui conditionne son intrigue : la ville norvégienne d'Hammerfest, au bord de l'océan Arctique, une zone plongée deux mois par an dans la nuit polaire. L'atmosphère de ce titre en compétition à Berlin en 2012 est en effet comparable à ses paysages immenses, glacés, presque insoutenablement calmes – des étendues crépusculaires dont la caméra effectue de fascinants survols et dont l'inhospitalité permet une nouvelle fois au réalisateur d'évoquer le malaise de personnages qui ne sentent pas à leur place.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Le scénario, écrit par l'excellent Danois Kim Fupz Aakeson, est centré sur une famille allemande littéralement représentée dans la première image comme scindée en trois et qui part vivre à Hammerfest le temps d'une mission liée au travail du père Niels (Jürgen Vogel, co-fondateur avec Glasner de la société de production du film, Schwarzweiss). Pour son épouse Maria (l'Autrichienne Birgit Minichmayr, Ours d'argent en 2009 pour son rôle dans Everyone Else [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Maren Ade
fiche film
]
), elle-même aide-soignante dans un hospice pour patients en phase terminale, ce déménagement est une "deuxième chance". Mais leur fils Markus, qui avec ses yeux sans joie remarque toujours tout (on note que les noms des personnages ont été soigneusement choisis), n'est pas dupe de l'indifférence entre ses parents, tellement manifeste dans leur silence quand ils se trouvent face-à-face à la table du dîner qu'on se demande comment ils peuvent encore partager la même couche. Tandis que Maria, éreintée, accumule les gardes de nuit, Niels, dont Vogel restitue impeccablement la dure froideur, est nettement gouverné par un égoïsme tout masculin qu'on retrouve dans sa liaison extraconjugale éhontée comme dans son refus d'apprendre le norvégien.

Soudain, en rentrant du travail dans l'obscurité, Maria percute quelque chose sur la route, prend peur, s'enfuit et y renvoie son mari pour vérifier que ce qu'a heurté son véhicule n'est pas resté là. Ce n'est que quelques temps après que le couple apprend qu'une adolescente a été retrouvée morte sur le lieu de l'accident. Avec la complicité de Niels, Maria veut garder le secret car elle n'est "pas cette personne" qui abandonne les souffrants et elle refuse, autant pour elle-même que pour son fils, de porter à jamais cette étiquette. Cette réponse que le couple donne ensemble à la question "Et maintenant, on fait quoi ?" marque le début d'un rapprochement, consacré par l'émotion d'un moment musical nu, poignant, tandis qu'en chacun d'eux continue de s'effectuer un long et secret travail d'acceptation qui parachève leur réunion.

Matthias Glasner procède comme ses personnages, de manière organique, jamais précipitée, pour intégrer dans le tissu apparemment minimaliste et rude de son film des motifs calmement bouleversants : l'inextinguible inquiétude des parents devant tous les dangers auxquels sont exposés les enfants, l'idée de faire face (illustrée par différents types de tête-à-tête), et la confiance qu'il faut faire à la capacité de compassion et de pardon des gens, qui a pour corollaire le fait qu'on ne doit pas occulter la douleur mais au contraire la reconnaître pour trouver la sérénité. Comme la caméra de Markus, qui observe tout, celle de Glasner suit avec patience le retour de la lumière après la nuit tandis que s'élèvent vers le ciel les puissantes polyphonies nordiques de la chorale locale. La grâce est certainement un film qui se mérite, mais quand avec le soleil revient l'unisson, en une seule simple scène chantée, on prend comme un coup dans la poitrine toute la mesure du parcours accompli.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy