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FILMS / CRITIQUES

A Royal Affair

par 

- Romance, intrigues et tragédie au royaume du Danemark sur fond de lutte entre progressistes et conservateurs. Prix du meilleur acteur et du meilleur scénario à Berlin.

S'il n'en est qu'à son quatrième film en tant que réalisateur, le Danois Nicolaj Arcel a démontré de nouveau avec le titre qu'il a présenté à Berlin en compétition (l'avant-dernier de cette 62ème édition), A Royal Affair [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Mikkel Boe Følsgaard
interview : Nikolaj Arcel
fiche film
]
, que le duo de scénaristes qu'il forme avec Rasmus Heisterberg est parfaitement rodé (on leur doit notamment le succès international Millénium).

Après l'adaptation King's Game, qui traitait de luttes de pouvoir dans un contexte contemporain, Arcel s'inspire cette fois d'un roman de Bodil Steensen-Leth pour retracer l'histoire d'amour vécue à la fin des années 1760 par la parfaitement éduquée et digne reine du Danemark d'origine anglaise Caroline Mathilde (qui a ici la moue d'enfant et le regard pur de la Shooting Star 2011 Alicia Vikander), mariée encore adolescente au cyclothymique et débauché roi Christian VII (incarné avec toute la facétie de circonstance par Mikkel Boe Følsgaard), et par le médecin personnel du roi, le progressiste Allemand Johann Friedrich Struensee (qui a ici les traits et l'assurance de Mads Mikkelsen). Entre son classique début et sa pudique conclusion tragique, A Royal Affair raconte aussi comment Struensee, fort de son influence sur le roi fol, a libéré un temps le Danemark de ses cruels archaïsmes moyen-âgeux pour le faire entrer dans l'ère des Lumières.

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La réussite de ce long métrage, c'est qu'il transcende le genre du film en costumes toujours identique au moyen de dialogues et situations audacieux et spirituels, souvent à la faveur des excentricités du roi – et de sa lubricité, car Arcel n'hésite pas en effet à décliner le motif sexuel présent dans le titre de différentes manières, surtout dans la première partie, avant qu'une conspiration digne de Jules César ne mettent fin perfidement à ce qui semble trop beau pour être vrai.

Les lubies de Christian donnent en effet lieu à des scènes assez succulentes, comme l'échange de citations shakespeariennes entre le roi et Struensee et les inénarrables scènes de Conseil d'État ou le roi ose de plus en plus intervenir pour demander par exemple que son chien Gourmand soit fait membre honoraire ou qu'on fasse circuler le soir des attelages vides dans Copenhague pour ramener les ivrognes qui ne trouvent plus le chemin de chez eux, une idée étrangement moderne qui reflète les changements drastiques qu'un Struensee visionnaire arrive à mettre en place.

La finesse de ce dernier est un autre ingrédient délectable du film. On la retrouve autant dans la manière dont il se rapproche de la reine d'abord par les voies de l'esprit et dans les regards échangés avec une discrétion infinie tout à fait nécessaire que dans les biais dont il use pour convaincre le roi de tout, en particulier de démentir ceux qui le jugent fou en faisant ce qu'il aime le plus, c'est-à-dire "jouer" son rôle de roi comme un acteur à défaut d'en assumer réellement la responsabilité.

C'est que jusqu'au bout, bien qu'il "usurpe" en quelques sortes son pouvoir et séduise sa reine, Struensee l'humaniste ne manque jamais à l'amitié protectrice qu'il nourrit pour le roi, de sorte qu'A Royal Affair n'est pas le récit d'un amour adultère binaire et de traîtrises, mais, (comme on le voit quand nos trois protagonistes sont assis main dans la main) le portrait incontestablement réussi d'un triangle politico-sentimental moderne, sincère et paradoxalement exempt de déloyauté dans un monde de Brutus et de Caïns.

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