Vasilis Douvlis| • Réalisateur
Nous faisons tous des va-et-vient, mais il n'y a jamais de vrai retour
par Irene Nikopoulou
Le premier long métrage de Vasilis Douvlis, The Homecoming, dont l'action se déroule dans la province grecque de Zagorohoria, raconte la liaison dangereuse entre un immigrant albanais et la femme de son patron. La toile de fond de cette histoire d’amour est en réalité un parallèle entre le phénomène de l'’émigration grecque, qui remonte à quelques décennies, et le phénomène moderne de l'immigration des Albanais en Grèce.
Mêlant techniques de fiction et éléments documentaires, Douvlis dépeint deux hommes et une femme au bord de la chute en trois parties tout à fait distinctes. Le film, qui a gagné le prix FIP RESCI à la 48ème édition du Festival de Thessalonique, s'apprête maintenant à être présenté dans la section "Europe Now!" du Festival de Karlovy Vary.
Cineuropa :Qu'est-ce qui vous a décidé à choisir le problème de
l’immigration comme toile de fond pour votre premier long métrage ?
Vasilis Douvlis : Le film est divisé équitablement entre les
trois personnages principaux. Le récit se déploie d'abord par un gros
plan sur la relation complexe que développent un ancien immigrant de
retour dans sa ville natale après 30 ans d'absence et un immigrant
actuel venu en Grèce pour se battre pour une vie meilleure. Leurs
vies ont suivi des cours parallèles les personnages sont l'un pour
l'autre des alter ego. La troisième personne de l'histoire joue un
rôle important pour les deux autres : c'est l’épouse du premier et
elle devient la maîtresse du second. Ce triangle est en fait la base
de l’ensemble du film.
Il faut tout de même savoir que dans la société grecque, ce thème
– une liaison entre un immigrant albanais et la femme de son patron –
est tabou.
C’est vrai, mais c'est bien de cela que je voulais parler. Je voulais
établir un lien entre les émigrants grecs du passé et les immigrants
albanais du présent. Les parcours de mes personnages coïcident. Mon
intention n'est toutefois pas didactique, je voulais simplement
raconter une histoire contemporaine. Nous faisons tous des va-et-
vient, mais il n'y a jamais de vrai retour. Mon film commence sur un
départ et s'achève sur un départ. C’est le cycle perpétuel de
l’immigration, l’éternel cycle de la vie. Les gens penseront toujours
que leur vie de rêve est quelque part ailleurs – ils courront
toujours après cette vie là.
Et c'est ce que vos personnages principaux essaient de faire par
tous les moyens. On les croirait sortis d'une tragédie antique et
replacés dans un contexte moderne.
C’est exact. Bien qu'il ne soit pas inspiré d'une tragédie antique
en particulier, mon film est grosso modo construit sur la structure
d’une tragédie antique. C’est la raison pour laquelle il n’y a ici ni
bon ni méchant, ni bourreau ni victime. Le film n'est pas polarisé
entre bien et mal. Ce serait une perspective simpliste, à mon avis.
Les personnages de mon film poursuivent tous les trois leur rêve, qui
est bien au-delà de leur portée, et c'est cet effort qui fait d'eux
des héros tragiques. À la fin, ils sont tous punis pour leur hybris.
C'est en fait un archétype de l'Antiquité dans sa version moderne.
Comment avez-vous trouvé l'équilibre entre une histoire fictive et
un cadre totalement traditionnel ?
Je voulais que mon film ait un peu la vérité qu’un documentaire
aurait. Je voulais que le décor, typique, apparaisse dans mon film
dans son état originel, au risque de produire un film un peu
folklorique. Nous avons cependant évité cet écueil en décrivant le
lieu et les gens avec des dispositifs visibles mais pas trop.
Beaucoup d'autochtones non-professionnels ont joué dans le film, ce
qui signifie que nous avons dû passer beaucoup de temps à répéter
avant de tourner. Bien sûr, pour que cela soit possible, j’ai eu la
chance d’avoir à mes côtés des professionnels d'expérience. Je leur
suis vraiment reconnaissant pour leur participation à tous.
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