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Francesco Di Pace • Délégué Général de la Semaine internationale de la Critique

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La Semaine internationale de la Critique est depuis 21 ans déjà un rendez-vous important de la Mostra de Venise , organisé par le Syndicat national des critiques de cinéma italiens.
La Semaine (31août-9 septembre), qui débute cette année avec un hommage au grand Otto Preminger, à l'occasion du centenaire de sa naissance et des vingt ans de sa mort, est curiosement parcourue de part et d'autre par le thème de la disparition, présent dès le film d'ouverture — Bunny Lake is Missing, filmé en 1965 par le réalisateur autrichien, raconte en effet l'enlèvement mystérieux d'une petite fille dans le Londres des années 1960. Nous évoquerons ce sujet avec le directeur de la Semaine, Francesco Di Pace.

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Cineuropa: Trois films européens, un argentin, un canadien, un taïwanais et un américain se disputeront le Prix de la Semaine Internationale de la Critique (SIC). Évoquons avant tout les candidats européens.
Francesco Di Pace : Commençons par la France qui, comme toujours, se montre dynamique en termes de cinéma. Cette année encore, nous avions une liste de premiers films de très bon niveau : notre choix (je tiens à le dire, parce que nous avons chipé ce film au concours d'un festival très important) s'est porté sur la première réalisation de Jean-Pierre Darroussin, un des acteurs préférés de Guédiguian, qui avec ce film intitulé Le pressentiment, nous propose une oeuvre très personnelle où il tient lui-même le premier rôle. Son film parle de dépaysement, de changement d'identité et de recherche d'un nouveau sens à donner à la vie. Nous sommes par ailleurs ravis d'avoir sélectionné en compétition deux films en provenance d'Europe de l'Est. Ce sont tous les deux des films de fin d'études, mais ils sont très différents : Egyetleneim, film hongrois de Gyula Nemes, est d'une virtuosité frénétique (à base de caméra à l'épaule et de séquences formidables comme la scène de piano, qui dure près de dix minutes et témoigne de la belle formation reçue par le jeune réalisateur à la FAMU de Prague, avec des maîtres comme Chytilova et Vachek), tandis que Hyena, du Polonais Lewandowski, crée avec élégance (et la supervision de Zanussi) des atmosphères lourdes propices au conte d'horreur, conte qui met ici un jeune garçon aux prises avec le passage obligé de l'âge de la peur à celui du courage.

A Guide to Recognizing Your Saints, de l'Américain Dito Montiel, est produit par la rock star britannique Sting et son épouse Trudie Styler. Comment en êtes-vous venus à choisir ce film au titre sublime?
Ce film avait gagné un prix à Sundance, mais c'est au marché de Cannes que nous l'avons vu, dans une salle de projection bondée. Nous avons tout de suite contacté les producteurs et c'est clair que c'est le prestige de la SIC et de Venise qui les a convaincus. Montiel est un auteur à suivre : il a été repéré, lors d'une lecture publique de récit autobiographique, par Robert Downey jr., qui l'a poussé à en faire un film. Le casting est d'exception (avec Palmintieri, Dawson et Downey jr. lui-même), mais c'est la mise en scène qui est la plus étonnante.

Quid des autres titres?
Le film argentin El Amarillo, de Sergio Mazza, confirme que ces dernières années, le cinéma latino-américain vit des moments heureux. Ce film, qui se déroule dans un non-lieu, mèle sentiment, humour et musicalité. Sur la trace d'Igor Rizzi, du canadien Noel Mitrani, est un film un noir teinté d'ironie et de surréalisme qui renvoie autant à Jarmusch qu'à Kaurismaki. Le film taïwanais Yi Nian Zhi Chu - Do Over, de Yu-Chieh Chieng, pourrait bien constituer une des surprises de ce festival : avec sa structure circulaire faites de retours en arrière, ce film est à cheval entre la fin et le début d'une année et les différents personnages pourraient, s'ils seulement ils le voulaient, modifier leur destin.

Le seul titre italien est La rieducazione, proposé comme un "événement spécial". Pourquoi avez-vous élu ce premier film au budget plus que modeste?
Ce film est hors-compétition parce qu'il a été tourné en vidéo et nous n'avions pas de garanties qu'il pourrait être transféré sur film à temps (comme le veut le réglement); c'est en outre un petit film qui aurait peut-être fait triste figure à côté de films de plus haut niveau productif. Ceci dit, La rieducazione, qui explore plusieurs chemins sans aucun préjugé mais seulement des idées et désirs, est un film tourné par des jeunes talents doués d'un beau regard cinématographique, et c'est ce qui nous plaît le plus. Nous aurions voulu sélectionner, en compétition, un autre spécimen de nouveau cinéma italien, un film disons plus "encadré", mais finalement, les producteurs ne se sont pas sentis à même de venir à Venise.

Le thème de la disparition et de la recherche qui relie les films de la sélection entre eux pourrait renvoyer symboliquement à l'"absence" d'un nouveau cinéma italien. Cette année, il n'y a pas d'Italiens en compétition. Vous aviez vous-même affirmé qu'il n'y aurait pas une seule première oeuvre italienne dans tout le festival. C'est sans doute la nouvelle loi et les réductions de budget énormes des organismes de financement qui ont valu à cette saison d'être particulièrement maigre. Qu'en pensez-vous?
Je pense qu'il est indéniable que le cinéma italien n'est pas en grande forme, au-delà de quatre ou cinq films qui font le tour des festivals et donnent une illusion de santé. La saison, comme vous dites, a été maigre et cela se reflète inévitablement sur les premiers films : peu de producteurs sont disposés à prendre des risques avec des noms inconnus et des projets qui ne sont pas assortis d'une liste d'acteurs en vogue et surtout de thèmes et de styles à la "Notte prima degli esami" (film de Muccino qui a fait un tabac). Avec tout le respect que je dois aux rares éléments qui essaient malgré tout de faire un cinéma personnel, franchement leurs films ne nous ont pas plu.

Cette année, il y a quelque chose de neuf en Italie : la naissance d'un festival, à Rome, avec un budget considérable qui suscite la polémique. Pour beaucoup, c'est une véritable menace pour Venise. La SIC a souffert de la "chasse aux films" résultant de la concurrence, si tant est qu'il y en a eu... Comment voyez-vous cette inévitable "concurrence" entre les deux manifestations?
Je ne pense pas que cette concurrence ait affecté la SIC : il n'y a qu'un film, que je sache, pour lequel nous avons dû départager. Venise jouit encore d'un grand prestige, et il en va sans doute de même pour la SIC. Ceci dit, tout ce qu'on peut dire me paraît un peu prématuré : la Fête du cinéma de Rome doit encore faire la preuve de son importance, et Venise est de son côté tout-à-fait capable de se faire du tort à elle-même, alors si les politiciens doivent en rajouter... Je pense que Venise doit être défendue et mise en valeur. Rome pourrait devenir ce que le Festival de Paris est par rapport à Cannes. C'est seulement mon humble avis.

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