email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Joachim Lafosse • Réalisateur

"Questionner la loi"

par 

- Joachim Lafosse • Réalisateur Sur le tournage de Nue-propriété

Sur le tournage de Nue-propriété [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
, le réalisateur belge Joachim Lafosse raconte à Cinergie cette "histoire de deux frères (Jérémie et Yannick Régnier) qui n’arrivent pas à se détacher et qui se battent autour d’une mère (Isabelle Huppert), qui les séduit". Un personnage sur mesure pour cette actrice habituée aux rôles difficiles et qui s'est investie personnellement pour que ce second long métrage voit le jour (lire la news).

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cinergie : On a affaire ici à une mère toute puissante ?
Joachim Lafosse : Oui, ça c’est sur. Mais pas seulement. Il y a aussi un fils qui défend son père, un peu oublié ou symboliquement assassiné. Mon objectif, on verra si c’est réussi, était de sauver quelqu’un de très violent. D’emmener le spectateur avec un personnage qui va, parce qu’il est le fils d’une mère toute puissante, sombrer dans une espèce de possession et de violence destructrice. En écrivant, je pensais à "La Cerisaie" de Tchekhov. Et à La splendeur des Amberson de Welles. Autour de ce rapport à la propriété mais la propriété tant au niveau des murs, que au niveau du questionnement : qu’est-ce que c’est d’être parent ? Avoir des enfants ? Qu’est-ce que c’est être fils ? Le moteur de l’écriture de Nue propriété, consiste à ce qu’à la fin du film le spectateur s’interroge sur les limites de chacun. Les limites de la responsabilité. Ici deux jeunes adultes, des jumeaux, qui vivent encore avec leur mère et qui deviennent violents avec elle. Et que tout ça n’est pas hasardeux. Je crois que c’est un système.

Il y a une constante, chez toi : en l’absence du père, la loi saute et la violence s’installe ?
Oui, mais la question fondamentale pour moi, c’est quelles sont les lois universelles qui font que nous pouvons cohabiter et vivrent ensemble ? Et je trouve que ces lois sont parfois oubliées et c’est la question qui compte. Et cette question là, de film en film, je m’y confronte. Moi je pense que ce n’est pas le père qui manque mais la loi et des gens pour la faire respecter ou pour la questionner.

Tu as chance de bénéficier d’un trio de comédiens tout à fait exceptionnels : Jérémie et Yannick Renier et Isabelle Huppert. Est-ce que cela modifie ton approche de la mise en scène ?
Je bénéficie d’une infrastructure un peu plus grande. Et j’ai évidement essayé de garder la spontanéité que j’ai obtenue sur les deux films précédents tournés en vidéo. Je ne sais pas si c’est gagné, le montage le dira. Mais par rapport aux acteurs et à leurs jeux, c’est un peu comme n’importe quels acteurs qu’ils soient connus ou pas. Il s'agit d’essayer de les faire vivre dans un cadre. On en revient à l’origine de notre entretien : j’ai essayé avec eux de définir le terrain de jeu. Et donc la loi dans laquelle ils vont jouer. Et je pense que c’est vraiment quand la loi est définie que l’acteur peut laisser la place à son inventivité. Et ce qui est compliqué, c’est que c’est trois personnalités sont différentes, l’approche n’est donc pas la même pour chacun d’entre eux.

Est-ce que tu as modifié ton style par rapport au style vidéo ?
Oui, mais ce n’est pas lié aux acteurs. La forme qui s’imposait était celle du plan-séquence et du cadre fixe, l’inverse de ce que j’ai fait précédemment où les personnages sont dans une urgence. Dans Nue-Propriété, cette famille souffre d’une situation et d’une loi qui justement les empêchent de se déplacer, de bouger. Il me semblait important de les coincer dans le cadre et de ne pas faire bouger le cadre tout comme cette propriété. Ce sont les acteurs qui doivent sortir du cadre mais le cadre ne les suit jamais. Il y a beaucoup de travail autour du hors champ. Ils sortent et, comme happés par toute cette éducation, ils reviennent, et ils n’en sortent pas. Jusqu’au bout, où finalement ils devront quitter cette maison.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy