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FRANCE

Pierre Salvadori • Réalisateur de La Petite Bande

"Une comédie d’aventures dont tout le scénario secret serait riche"

par 

- Le cinéaste français décrypte sa nouvelle comédie d’auteur, où les désirs d’amitié et d’être ensemble de la fin de l’enfance se télescopent avec le tumulte d’une action écologique très périlleuse

Pierre Salvadori • Réalisateur de La Petite Bande

Centrée sur un groupe de très jeunes pris dans la spirale d’une action de guérilla écologique insensée, la comédie d’aventures La Petite Bande [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Pierre Salvadori
fiche film
]
, le 10e long de Pierre Salvadori (dont le dernier opus, En liberté ! [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Pierre Salvadori
fiche film
]
, avait été dévoilé à la Quinzaine des Réalisateurs 2018), est lancée aujourd’hui dans les salles françaises par Gaumont.

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Cineuropa : Pourquoi un film sur une bande de pré-adolescents ?
Pierre Salvadori : Au départ, j’avais l’idée d’une bande de bras cassés et d’une espèce d’acte politique un peu idiot. Mais je me suis dit que j’avais déjà fait ça, des maladroits confrontés à quelque chose de trop gros, de trop grand pour eux. Cependant, quelque chose là-dedans m’intéressait et tout à coup, j’ai eu l’idée que ce soit des enfants. Cela ouvrait beaucoup de possibilités avec les questions du groupe, de la loyauté, du courage, de ce que le groupe peut libérer d’inconscience et de folie (on n’ose pas dire non, on a peur, on veut être à la hauteur de l’idée que se font les autres de vous, on devient plus audacieux, etc.). Tout avait plus de sens : c’était leur temps, leur avenir, et ces enfants qui font d’abord une bêtise pour des raisons un peu égoïstes, un peu ridicules (par amour, par désir de vengeance, etc.) en s’emparant d’une idée, sont ensuite rattrapés par la situation et vont donner du sens à postériori à quelque chose d’un peu fou qui les dépassait. Je pouvais avoir une comédie d’aventures dont tout le scénario secret serait riche : comment le plaisir d’être ensemble construit un idéal, un côté cinéphile "hawksien" sur comment on apprend à vivre et à se battre ensemble, mais aussi comment le groupe prend le pas sur l’individu, comment le groupe vous élève, vous inspire, vous apaise quand on va mal, quand on souffre dans sa famille, mais que tout à coup tout s’évapore dans l’innocence et la joie. Là, j’ai vu un film se dessiner à toute vitesse.

Le film parle d’écologie mais vous ne le traitez pas du tout comme un programme militant ?
Je ne voulais pas d’un film sur l’écologie un peu pontifiant, ni faire la morale. Le sujet, c’est le groupe, la bande. L’écologie, c’est un peu derrière, presque bidon au départ et c’est quelque chose qui va les gagner après. La création du groupe est paradoxale puisque celui qui initie le projet le fait en réalité pour qu’il échoue. Ils ont d’ailleurs tous des raisons secrètes. Ensuite, en étant ensemble, cette vibration et cette euphorie vont les gagner, ils sont rattrapés par quelque chose de plus grand et c’est là que la conscience arrive : ils sont obligés de donner du sens à leur geste. Le film est une longue délibération : ils se posent beaucoup de questions sur ce qu’ils ont le droit de faire ou pas. Il y a de la noblesse car ils tendent vers une forme de beauté et ils sont dignes, mais il y a évidemment des malentendus car c’est une comédie et c’est cela que j’aime.

Le cadre, cette nature omniprésente, entre totalement en résonance avec cette prise de conscience.
Elle les infuse. Il ne fallait pas rater cela et réussir à filmer la nature dans toute sa beauté vibrante. Moi, toute mon enfance, la nature m’a sauvé, elle m’a enrichi. Un point de vue en particulier en Corse avait sur moi un effet merveilleux, magique, apaisant. Dans le film, c’est pareil, la beauté de la nature, de la rivière, anoblit les enfants, les grandit et crée un vrai rapport à cette cause écologique qui s’incarne : ils comprennent l’importance de cette beauté assez stupéfiante. Comme il y a des films qui racontent comment on vient à l’amour, là c’est un film sur comment on vient à la beauté de la nature et à un idéal politique d’une certaine façon.

Comment avez- vous dosé le burlesque et le portrait psychologique des cinq protagonistes ?
Pour moi, c’est très important dans un film d’essayer de comprendre qui est qui, comme une enquête sur des personnages où l’on découvre qui est vraiment quelqu’un. Mais j’aime qu’un film reste aussi un spectacle. Le cinéma, c’est le dernier art populaire et comme l’a dit Scorsese, les cinéastes sont des contrebandiers qui cachent les sujets dans des récits d’aventures, dans le cinéma de genre. Moi, cela m’intéresse qu’un film soit divertissant, prenant, drôle, mais que derrière, tout doucement, il y ait quelque chose de sous-jacent.

Diriger des enfants, on entend souvent dire que c’est compliqué.
C’est vraiment difficile. Ce qui est beau, c’est qu’on leur apprend beaucoup de choses en même temps. Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas juste les faire jouer : il fallait qu’ils vivent ensemble et qu’ils s’acceptent (comme dans le film). Je leur ai dit : "les enfants, vous êtes obligés de vous aimer, sinon vous allez passer 14 semaines infernales. Si vous vous aimez, vous allez être heureux et vivre une aventure extraordinaire". Après il y a le jeu : vous devez leur apprendre qu’il ne suffit pas de ressentir, mais qu’il faut aussi transmettre. Mais ils comprennent tout cela : au départ, ils sont doués, singuliers, puis ils deviennent des acteurs. J’ai aimé ce travail. Il a aussi fallu dépasser la pudeur qu’ils avaient car ils ne se connaissaient pas et jouer, ce n’est pas leur métier. Au début, ils n’y arrivaient pas, alors j’ai décidé de me ridiculiser en jouant, en pleurant, en me roulant par terre. Ils me regardaient comme si j’étais dingue, l’équipe aussi, mais en mettant ma fierté de côté, cela les a aidés à faire pareil. Quand on dirige des enfants, on fait son métier de metteur en scène mais tout est exacerbé, on revient à l’essence : aller chercher très loin les émotions, investir le plan, l’habiter, il faut tout leur apprendre. Et ce sont des enfants, ils sont seuls, loin de leurs familles, donc il faut les aider et qu’ils soient heureux pour que quelque chose de fort se passe. Mais c’est un terrain très fertile.

Vous avez récemment manifesté votre inquiétude pour le cinéma en salles ? Quel est votre message ?
C’étaient les élections, et je voulais que les cinéastes se bougent un peu, leur dire qu’il faut qu’on soit tous ensemble pour se battre pour notre métier parce que je trouve que c’est le dernier espace de liberté qu’il y a. Car ce n’est pas pareil de faire un film pour une plateforme et un film pour le cinéma. Au cinéma, on est plus libre car avec une plateforme, votre producteur, c’est aussi votre diffuseur... Et on a aussi plus de temps car quand un spectateur entre dans une salle, il est captif et on a donc le temps de développer, de vraiment inventer un langage particulier, singulier, propre à ce film et qu’on ne reverra jamais ailleurs. Alors que sur une plateforme, très vite, si cela ne plaît pas, on zappe, donc on va vous dire qu’il faut que ce soit balisé, reconnaissable, etc. Peut-être que pour une série, il y a un peu plus de liberté, mais pour les films des plateformes, c’est beaucoup plus compliqué. J’ai donc invité mes collègues cinéastes à mener ensemble un combat pour que les pouvoirs publics se battent pour le cinéma. À chaque fois qu’il y a eu une volonté politique forte, le cinéma s’en est sorti, s’est réinventé esthétiquement et économiquement. Donc battons-nous ! Je ne veux pas faire la morale aux gens et moi-même je regarde des séries et des films sur les plateformes, mais il ne faut pas que cela se cannibalise et que les plateformes mangent le cinéma.

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