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BERLINALE 2022 Forum

Philip Scheffner et Merle Kröger • Réalisateur et scénariste d'Europe

“À travers le film, notre actrice principale a retrouvé une certaine visibilité en dehors du film aussi”

par 

- BERLINALE 2022 : Les auteurs nous parlent de ce film intrigant, dont l’héroïne évolue entre la bureaucratie et une vie incertaine

Philip Scheffner et Merle Kröger • Réalisateur et scénariste d'Europe
(© Khaled Abdulwahed)

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est le premier long-métrage de fiction du réalisateur allemand Philip Scheffner et de la scénariste Merle Kröger, qui ont déjà collaboré sur des documentaires. Le film a été projeté dans la section Forum de Berlin cette année. Nous avons interviewé les auteurs sur leur personnage central et sur l’idée du film.

Cineuropa : Comment êtes-vous entrés en contact avec l'actrice principale, Rhim Ibrir?
Philip Scheffner :
Quand on tournait Havarie [+lire aussi :
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, nous avons rencontré le mari de Rhim, en Algérie. Nous avons fait des interviews de lui et appris, notamment, pourquoi il traverse la Méditerranée : il n’a pas de papiers pour rendre visite à sa femme en France. Nous l’avons ensuite contactée elle et sommes allés lui rendre visite à Châtellerault, et l'avons aussi filmée. Nous avons été très impressionnés par elle, par la manière dont elle parle et sa présence devant la caméra. Nous n'avons utilisé aucune des images tournées avec elle dans Havarie, mais après ce film, nous l'avons gardée en tête : il était clair qu’il y avait quelque chose chez elle que nous avions envie de développer davantage dans un autre projet, et pas à travers un documentaire.

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Merle Kröger : J’avais écrit le roman Havarie pendant qu'on faisait le film. Pour le moment, j’ai aussi pensé à Rhim et son mari, et le personnage de Zohra est né de cela. Rhim trouvait amusant d'avoir un alter ego, et ainsi, nous nous sommes mis à jouer avec ce personnage.

Comment avez-vous développé le personnage de Zohra?
P.S. :
En faisant nos recherches pour le documentaire, nous lui avons maintes fois rendu visite sur place, de sorte que nous avions des contacts étroits dans cette petite ville et dans ce petit quartier. Nous avions une assez bonne idée de l’endroit. Nous avons développé des scènes qui étaient d’abord très proches de la vie réelle de Rhim et puis nous en avons discuté avec elle. Par la suite, nous avons développé les différentes versions du scénario, dont on a parlé avec Rhim à chaque fois, en ajustant et en développant la dramaturgie au fur et à mesure.

M.K. : Nous avons commencé par la scène qui se passe à la préfecture. Quand on a rencontré Rhim, elle était exactement dans la même situation que le personnage au début du film, quand elle reçoit de bonnes nouvelles sur sa santé, qu'on lui dit qu'elle peut désormais se mouvoir librement, physiquement, mais qu'au même moment, l’État restreint sa liberté de mouvement en annulant son permis de séjour. Ce moment l'a beaucoup affectée, mais elle a été capable de digérer tout cela et, d’une certaine manière, de changer les choses à travers le film. Nous avons fait un travail intensif sur le texte, mais nous avons aussi intégré le lieu où se passe l'histoire. La communauté qui vit là ne cessait de s’insinuer dans le film. Finalement, tout le monde s'est impliqué : nous avons aussi tourné chez les gens, là où ils vivent vraiment, et nous avons eu une grande impression de cohésion.

Pourquoi était-il important de présenter le personnage dès les premières minutes du film ?
P.S. :
Nous trouvions que ça jouait en faveur du film, de dévoiler ses origines documentaires, d'éviter soigneusement de les masquer, et ça permet de toucher la question de la fictionnalisation à l'intérieur du film. Les parties qui nous semblent le plus fictionnelles rendent en fait la vie quotidienne de Rhim telle qu’elle était au moment du film. Il était important de retracer le développement du personnage, conditionné par une décision de l’État quant à son statut politique. Ceci a créé un espace dans lequel elle pouvait se comporter comme un personnage fictionnel, ce qui lui a rendu une certaine autonomie, une autorité sur certaines choses.

M.K. : Elle pouvait décider elle-même quand être visible et comment. Au fil du film, elle a retrouvé une certaine visibilité, en dehors du film aussi. À vrai dire, nous avons dû obtenir un grand nombre de permis, ce qui a forcé l’État à traiter le cas de Rhim.

Qu’est-ce qui vous a inspiré cette forme artistique originale, qui utilise le vide ?
M.K. :
C’était une envie de mise en scène très forte dès le départ. Déjà, dans Havarie, la question s’est posée de la manière dont on peut traiter cinématographiquement la violence structurelle du régime des frontières en Europe. On s'est demandé comment intégrer cette présence et cette non présence dans le film. Nous avons ensuite décidé de nous concentrer sur le rôle des spectateurs, parce qu’il était important de réfléchir à la situation selon cette perspective. Dans Europe, il s'agissait de pousser plus loin cette idée d’être et de ne pas être, de réfléchir à la manière de traiter un personnage qui n’est pas autorisé à être là.

P.S. :Il était important de comprendre la situation structurelle et de développer une idée cinématographique à partir de ça. Qu’est-ce qui se passe quand une personne se retrouve privée de permission d'évoluer dans un certain espace social ? Elle disparaît. C'est ce qui arrive à Rhim : son image disparaît, et le son aussi. Ce qui reste, c'est un monologue de la personne qui a conservé son droit d'exister.

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(Traduit de l'anglais)

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