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BERLINALE 2022 Panorama

Cem Kaya • Réalisateur de Love, Deutschmarks and Death

“Toutes les générations d’artistes commentent leur vie en Allemagne”

par 

- BERLINALE 2022 : Ce documentaire, projeté dans la section Panorama, met en évidence les liens étroits de la musique turque avec l’histoire de l’immigration turque en Allemagne

Cem Kaya • Réalisateur de Love, Deutschmarks and Death
(© Cem Kaya)

Love, Deutschmarks and Death [+lire aussi :
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bande-annonce
interview : Cem Kaya
fiche film
]
, le documentaire dense et instructif du réalisateur germano-turc Cem Kaya a été présenté en avant-première dans l’édition de cette année de la Berlinale. Nous avons rencontré le réalisateur pour discuter de son travail à partir de ces images d’archives et de l’importance de la culture pop turque pour les millions de Turcs immigrés en Allemagne.

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Cineuropa : Quelle importance a pour vous la musique ?
Cem Kaya : C’est le deuxième film que je consacre à la musique turque, donc la musique est toujours présente. La musique turque a toujours joué un grand rôle parmi les travailleurs migrants et les "travailleurs invités", elle a toujours été jouée.

Combien de temps ont duré vos recherches pour le film ?
J’ai commencé mon premier travail de recherches en 2018. Mais mes films précédents constituaient déjà une partie de cette recherche. En 2010 par exemple, j’ai réalisé un film sur l’arabesk et à l’époque, j’avais déjà rencontré des artistes qui étaient en tournée en Allemagne. Je les ai filmés et j’ai pu utiliser ces séquences aussi. J’ai eu la chance de le faire à cette époque-là, car il y avait plus de restaurants avec ambiance musicale qu’aujourd’hui et il était plus facile de filmer.

Vous avez l’habitude de travailler avec des images d’archives.
Je travaille avec des documents d’archives depuis mon film de fin d’études. Do Not Listen est un collage de deux films, L’Exorciste et son remake turc. Dans Arabesk, j’ai comparé la musique avec le cinéma et j’ai, de ce fait, utilisé de nombreux extraits de films. Aujourd’hui, ces films sont disponibles sur YouTube, mais lorsque j’ai fait mes recherches, c’était plus compliqué parce que je devais m’appuyer sur un matériel physique difficile à obtenir.

Pour ce film, les cassettes étaient des documents originaux importants.
Avant les cassettes audios, il y avait les cassettes vidéos, qui étaient essentielles pour la diffusion de la musique turque. Les musiciens sont apparus dans les films où l’on pouvait les entendre jouer, et ensuite, ils sont devenus célèbres par eux-mêmes. La cassette était le moyen le plus facile et le moins cher de diffuser la musique. L’un des aspects les plus importants était que vous pouviez écouter une cassette dans la voiture. Or la voiture est essentielle pour les migrants. Il était important de pouvoir se déplacer. Le voyage jusqu’en Turquie prenait deux ou trois jours, et c’est là que vous écoutiez de la musique. Une maison de disque turque a mis au point une cassette résistant à la chaleur pour qu’elle ne fonde pas au soleil. Et puis, la cassette pouvait contenir plus de morceaux qu’un disque.

L’esthétique colorée des jaquettes vous a-t-elle influencé ?
Bien que la musique soit triste et mélancolique, et que les chansons évoquent la nostalgie du pays, elles ne vous font pas pleurer pour autant. Voilà pourquoi il n’y a rien d’étonnant à ce que les jaquettes soient colorées. Elles sont avant tout un support publicitaire. Elles comportent également des codes destinés à des groupes cibles spécifiques. L’esthétique des jaquettes est comparable au visuel ringard des films turcs que je regardais quand j’étais adolescent. Les deux m’ont influencé tant leur style dénotait avec ce que l’on pouvait voir à la télévision allemande.

Que reste-t-il de cette vie nocturne turque ? À quoi ressemble-t-elle aujourd’hui ?
Il y a encore des restaurants avec ambiance musicale, mais ils sont différents. Après la réunification de l’Allemagne, la monnaie a ostensiblement dévalué et les gens ont vu leur pouvoir d’achat baisser. À l’époque, une famille de quatre allait au restaurant deux à trois fois par semaine, et pouvait se le permettre. En outre, la télévision par satellite a fait son apparition avec son lot de spectacles musicaux. Plus la peine de les voir en direct désormais. C’est pour cela que la tradition des restaurants à ambiance musicale s’est perdue petit à petit. Mais cela vaut autant pour l’Allemagne que pour la Turquie.

Les chansons sont-elles différentes de celles d’avant ?
Aujourd’hui, la protestation se fait par le biais du hip-hop. Quelqu’un comme Haftbefehl, qui parle d’argent et de femmes, est également très critique. En matière de contenu, rien n’a changé. Chaque génération d’artistes raconte sa vie en Allemagne. La protestation n’a pas toujours besoin d’être parfaitement formulée, mais on note une certaine continuité.

Les musiciens turcs sont-ils encore méconnus des Allemands, comme c’était déjà le cas à l’époque ?
Je pense qu’ils le sont encore. Mais il y a également une pop culture entièrement allemande, faite de pop et de hip-hop, où l’on trouve des musiciens d’origine turco-kurde, qui chantent également souvent en allemand. Mais un seul journaliste allemand a-t-il déjà assisté à un des concerts de Tarkan joués à guichets fermés en Allemagne, en présence de milliers de fans ? C’est un événement incroyable et pourtant cela n’intéresse personne.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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