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BERLINALE 2022 Panorama

Thierry Demaizière et Alban Teurlai • Réalisateurs de Allons enfants

"Aller chercher des enfants en échec scolaire dans des quartiers sensibles et les fédérer par le hip-hop"

par 

- BERLINALE 2022 : Les documentaristes français lèvent le voile sur une quête éducative hors normes tentant de briser la spirale du déterminisme social

Thierry Demaizière et Alban Teurlai  • Réalisateurs de Allons enfants

Réalisateurs entre autres de Rocco [+lire aussi :
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(Giornate degli Autori à Venise en 2016) et de Lourdes [+lire aussi :
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(nominé au César et au Lumière 2020 du meilleur documentaire), les Français Thierry Demaizière et Alban Teurlai se sont immergés cette fois dans la section hip-hop d’un lycée parisien pour Allons enfants [+lire aussi :
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qui a ouvert le programme Generation de la 72e Berlinale. Un film qui sera lancé le 6 avril dans les salles françaises par Le Pacte.

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Cineuropa : Comment avez-vous découvert la section hip-hop du lycée Turgot et pourquoi l’envie d’en faire un film ?
Alban Teurlai : C’est Elsa Le Peutrec, co-autrice du film avec nous, qui a remarqué dans la presse cinq petites lignes sur ce lycée et qui nous en a parlé. Nous avons tout de suite pensé qu’il y avait un souffle de cinéma et nous avons creusé le sujet avec la volonté d’utiliser le hip-hop pour faire quelque chose de plus sociétal. Le hip-hop n’est qu’un décor, une toile de fond, pour parler d’éducation, de transmission, et faire le portrait de cette jeunesse française.

Comment avez-vous choisi les huit jeunes personnages principaux ?
Thierry
Demaizière : Nous avons passé une année scolaire entière dans le lycée, mais nous avons profité d’une séance de casting presque idéale avec les entretiens de début d’année menés par David, le professeur de hip-hop. Nous avons repéré les jeunes qui nous intéressaient et décidé de nous concentrer surtout sur les Secondes car c’est la fin de l’enfance, le début de l’âge adulte, et ils racontaient des choses étonnantes et bouleversantes. Car le projet de David, c’est d’aller chercher des enfants en échec scolaire dans des quartiers sensibles et les fédérer par le hip-hop. Le choix s’est donc opéré très naturellement. Ensuite, et c’est le processus du documentaire qui veut cela, nous avons perdu certains personnages en cours de route car leurs histoires doublonnaient parfois avec celles d’autres élèves, alors que des jeunes que nous avions "ratés" au début se sont avérés des personnages très forts, notamment Nathanaël qui est un peu notre cancre.

Le film ne cherche pas le positivisme à tout prix, expose les réussites certes mais aussi toutes les difficultés, pour certains scolaires, pour d’autres à surmonter leurs vécus familiaux et sociaux.
T.D. : C’est la grande différence avec la fiction. Nous dépendons tout le temps du réel, nous filmons ce que nous voyons et ce qui se vit. Dès le démarrage, nous avions par exemple compris que Charlotte était sur le point d’abandonner ses études. Et ces jeunes en échec scolaire, ce serait un miracle si d’un seul coup, grâce à un cours de hip-hop, ils devenaient des premiers de la classe. Cela "rame" un peu, mais le bilan sur trois ans est qu’ils ont tous eu leur baccalauréat, à deux exceptions près. Même si certains redoublent en chemin, ils finissent par avancer.

Comment avez-vous travaillé sur l’équilibre de la narration entre les séquences de danse et celles du reste du quotidien lycéen ?
A.T. : Il y a eu beaucoup de versions de montage. Nous nous sommes aperçus qu’il fallait alterner sans arrêt. Les voir danser trop tard, on ne comprenait pas les enjeux, mais les voir danser tout de suite, sans les voir en cours, on ne les comprenait pas non plus. Il fallait sans cesse montrer que l’expression de leur talent et de leur énergie était dans la danse et que l’école était parfois une étape compliquée. C’est une histoire de rythme et d’oreille : pendant 1h50mn, nous avons essayé de garder le spectateur la tête à peine hors de l’eau. A peine on quitte la danse, on passe par l’école, puis on retourne à la danse, etc. Tout cela est aussi rythmé par les "battles" organisées tout au long de l’année, par les championnats, les spectacles. La danse fait partie du récit comme de leur cursus.

Par petites touches, le film aborde beaucoup de points de vue de ces jeunes sur le monde dans lequel ils vivent.
T.D.
 : Nous avons capté ça au gré des conversations, à la récréation, quand ils blaguent entre eux, etc. Nous voulions que ce film soit aussi le portrait d’une génération et raconter, à travers la danse, leur rapport à l’argent, à la réussite, un peu à la sexualité, à la question garçons/filles, ou à la culture même du hip-hop et des battles : les attitudes, se faire respecter. Ces gamins d’aujourd’hui racontent également le monde de demain, ce qui me rend optimiste car ils sont cool et de bonne volonté.

A.T. : Nous voulions que ce soit un film à hauteur d’adolescents et eux seuls s’expriment. Le corps enseignant et ceux qui encadrent les élèves, sont présents et ont des rôles dans le film, mais c’est aux jeunes qu’on donne la parole.

T.D. : Mais nous avons aussi découvert avec plaisir tout l’investissement du proviseur, de la professeur d’anglais et évidemment de David, le professeur de hip-hop qui est un personnage principal. Cela réconcilie avec l’école ! Ce sont des hussards de la République : ils se démènent de manière vraiment exceptionnelle pour leurs gamins. Car ils ont peur du décrochage scolaire. Donc ils les coachent, ils les aident, ils les rattrapent, ils leur transmettent une morale, une éducation, des valeurs. Ils ont une patience et une générosité incroyables. Et globalement, le pari est tenu.

La caméra opère de manière très immersive dans les scènes de danse.
T.D. : Les hasards de la vie font que nous avons beaucoup filmé de danse : Relève [+lire aussi :
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à l’Opéra de Paris avec des danseurs classiques, la série Move pour Netflix avec cinq danses très différentes (du flamenco à la street dance). Nous commençons donc à savoir où placer la caméra.

A.T. : Quand on filme de la danse, la logique devrait être un plan large fixe qui retranscrive le mouvement et le déplacement du corps dans l’espace et dans le temps. Mais avec les battles, et dans la street dance en général, il y a une telle énergie dans cette espèce de cercle qu’ils forment, dans cette arène, qu’en tournant en plan large, comme j’avais d’ailleurs commencé à le faire, on perd cette énergie. Donc je me suis très vite rapproché et je suis entré dans le cercle, quitte à être bousculé, à ce que la caméra soit chahutée, afin d’avoir un peu une vision subjective.

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