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VENISE 2021 Orizzonti

Kaltrina Krasniqi • Réalisatrice de Vera Dreams of the Sea

“Nous avons inventé des traditions et des cultures entières pour protéger un ordre très discriminatoire”

par 

- VENISE 2021 : La réalisatrice kosovare détaille pour nous l'approche visuelle qu’elle a choisie pour son premier long-métrage et explique comment elle a combiné autant de motifs et éléments disparates

Kaltrina Krasniqi  • Réalisatrice de Vera Dreams of the Sea
(© La Biennale di Venezia - Foto ASAC/Andrea Avezzù)

Nous avons rencontré la réalisatrice kosovare Kaltrina Krasniqi, dont le premier long-métrage, Vera Dreams of the Sea [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Kaltrina Krasniqi
fiche film
]
, vient de faire sa première mondiale dans la section Orizzonti de la Mostra de Venise.

Cineuropa : Vera Dreams of the Sea s'inspire en partie de l’histoire de votre mère, mais le scénario est de la dramaturge Doruntina Basha. Comment avez-vous travaillé ensemble ?
Kaltrina Krasniqi :
Doruntina est une amie d'enfance. Elle est venue me voir avec une première version du scénario en 2014. J’ai immédiatement été attirée par cette histoire pour plusieurs raisons, la première étant l’âge des personnages et le contexte riche que l'histoire portait. Les femmes de cette génération sont rarement dépeintes au cinéma, au théâtre ou dans la littérature, particulièrement comme personnages principaux. La deuxième raison était le fait qu’elle est interprète en langue des signes, qu'elle donne une voix à ceux qui n’en ont pas. La troisième était son combat, la manière dont elle se trouve complètement dépouillée de toute sa capacité d’agir après le suicide de son mari.

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À certains égards, l’expérience de Vera dans le film ressemble à ce qu'a vécu ma mère, ce qui a beaucoup aidé pour épaissir la psychologie du personnage, qui me mettait souvent très mal à l’aise par sa soumission. Nous avons travaillé chaque version du scénario ensemble, pour façonner le personnage et le cadre de l'histoire en y mettant beaucoup de détails. Nous avons vu le conflit qui se joue en Vera comme une occasion formidable de faire le jour sur une société d’après-guerre en pleine crise identitaire.

Vous combinez ici beaucoup de motifs et d'éléments disparates. Le film raconte une histoire personnelle très spécifique, mais il aborde aussi beaucoup d’aspects de la société kosovare et de la position des femmes en général dans le monde. Comment avez-vous bâti toute cette idée ?
Eh bien, le fait qu’on refuse à des femmes l'accès à la propriété n’est pas un problème spécifique au Kosovo. Les femmes, partout dans le monde, possèdent bien moins que les hommes. Dans une société régie par un système patriarcal, c'est un des impacts directs. Nous avons inventé des traditions et des cultures entières pour protéger un ordre très discriminatoire, pas seulement vis-à-vis des femmes mais aussi vis-à-vis d’autres groupes, comme la communauté LGBTQ+ ou les gens de couleur, donc en racontant l’histoire de Vera, j’étais consciente qu'au-delà des spécificités culturelles du Kosovo, je faisais un film qui était aussi très universel, un film qui pourrait résonner culturellement et émotionnellement pour le public des quatre coins du monde.

Teuta Ajdini Jegeni est formidable dans le rôle principal. Comment l’avez-vous choisie et comment avez-vous travaillé sur son personnage ?
Il m’a fallu un an pour trouver Teuta Ajdini Jegeni pour le film, l’obstacle principal étant l’âge de Vera. Les femmes de la génération de Vera n'ont pas été encouragées à étudier ou pratiquer les arts. Ainsi, le pool d’actrices de langue albanaise de cet âge est assez limité. J’ai voyagé entre Pristina, Skopje et Tirana pendant un an et j'ai fait auditionner plusieurs femmes. J’ai trouvé Teuta à Skopje : elle fait partie d’une compagnie théâtrale albanaise là-bas. J’ai beaucoup aimé son énergie, mais j’étais nerveuse par rapport à sa provenance théâtrale. Elle m’a donné tort : elle a étudié la langue des signes en six mois tout en préparant le rôle avec beaucoup de dévouement et de respect pour son métier.

C’est un film visuellement complexe : Pristina et sa banlieue ont beaucoup de facettes différentes, et il y a la partie rurale, que vous représentez de manière très convaincante. Comment avez-vous développé votre approche visuelle du film avec votre cheffe-opératrice Sevdije Kastrati ?
Sevdije et moi nous connaissons depuis de nombreuses années. Travailler avec elle sur mon premier long-métrage a été un processus intense qui m'a beaucoup inspirée. Il était important que la direction de la photographie soit assurée par une femme, parce que l'histoire que nous voulions raconter était celle d’une femme et que nous voulions construire un film à plusieurs niveaux visuels qui s'adresse non seulement au Kosovo mais à un public plus large. Vera devait être dans chaque plan ; nous voulions que le monde soit envisagé selon sa perspective, qui en soi portait beaucoup de contexte. Cependant, nous avons été attentives à ne pas reproduire le regard exotique pétri de stéréotypes qui nourrit le cinéma des Balkans depuis deux décennies.

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(Traduit de l'anglais)

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