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KARLOVY VARY 2021 Compétition

Stefan Arsenijević • Réalisateur de As Far as I Can Walk

“Il faut revoir ce qu’est la tradition et l’adapter à la nouvelle réalité”

par 

- En se fondant sur un poème épique médiéval, le réalisateur serbe tente de revigorer son héritage culturel

Stefan Arsenijević • Réalisateur de As Far as I Can Walk

Strahinja (Ibrahim Koma) et sa femme Ababuo (Nancy Mensah-Offei) ont quitté le Ghana dans l’espoir de construire un futur meilleur, et les voilà coincés en Serbie, sauf que Strahinja, qui aspire à devenir footballeur, semble avoir une chance d’y faire carrière. Et puis Ababuo disparaît. Nous avons discuté avec le réalisateur serbe Stefan Arsenijević sur ce film, As Far as I Can Walk [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Stefan Arsenijević
fiche film
]
, qu’il a présenté en compétition à Karlovy Vary.

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Cineuropa : Vous n'êtes apparemment pas le seul réalisateur qui ait été inspiré par des poèmes anciens ou des récits folkloriques ces derniers temps. Qu’est-ce qui se passe ? On dirait une révolution.
Stefan Arsenijević :
Et moi qui pensais que c’était juste dans ma tête ! Dès qu'on se met à travailler sur quelque chose, on voit tout le monde faire la même chose, alors je pensais que c’était juste ma perception, mais vous me dites que non. C'est que c'est intéressant, la tradition. C'est le fait de vivre des temps tellement incertains et différents, on a besoin de quelque chose de stable, je suppose. Ou c'est qu'on a besoin de reconsidérer ce qu’est la tradition et de l’adapter à la nouvelle nouvelle réalité.

Est-ce que la voix off dans le film raconte exactement la même histoire ? [Arsenijević a repris le texte du poème Strahinja Banović]
J’en au coupé des bouts, mais oui, c’est le poème original. J’avais le sentiment qu’il pouvait ajouter un autre niveau à ce qui se passe dans le film. Parfois, c’est un commentaire, et parfois il fait complètement contraste avec ce qu’on voit à l'image, dans le sens où le poème parle d’un noble chevalier serbe qui circule sur un cheval blanc, alors que mon héros est un migrant africain qui parcourt, à pied, des kilomètres et des kilomètres. Et poutant, c’est la même histoire. Utiliser ce vieux poème traditionnel serbe m’a aidé à trouver le bon angle, cela montre notre héritage culturel selon une autre perspective. Bien sûr, cela a fait des mécontents, mais notre patrimoine héritage devrait être vivant, au lieu de prendre la poussière quelque part dans un musée.

Les grands récits célèbres parlent toujours du long voyage de quelqu’un, mais on envisage rarement le réfugié comme le grand voyageur ultime...
On a des migrants une idée très abstraite. Notre mission était de leur donner une individualité. Leur plus gros problème, ce n’est pas qu’ils sont des migrants : il se situe au niveau des relations interpersonnelles, de l’amour. Ce qui arrive à Strahinja et Ababuo pourrait arriver à n'importe lequel d'entre nous. Quand nous écrivions le scénario, certaines personnes ont dit que nous devrions nous concentrer davantage sur le conflit, mais notre propos ici, et je dis "notre" parce que nous avons écrit à trois [Arsenijević, Bojan Vuletić et Nicolas Ducray], est différent : les migrants n’ont pas que des problèmes "de migrants", Ils ont des problèmes humains.

Dans les films qui leur sont dédiés, les femmes sont souvent montrées comme des mères et des épouses. On entend rarement ce qu’elles ont à dire, mais vous avez donné une voix à Ababuo.
Nous voulions utiliser quelque chose de traditionnel, mais l’aborder sous un angle moderne. Évidemment, ça signifiait qu’il fallait un personnage féminin fort, qui est aussi une artiste. Le poème parle d’infidélité, mais le personnage principal va contre les règles traditionnelles pour retrouver celle qu'il aime, même si on lui a dit qu’elle était amoureuse de quelqu’un d’autre. Il lui pardonne. J’ai trouvé que c’était vraiment intéressant parce qu'aujourd’hui, il y a une infinité de films qui parlent de vengeance, pas de pardon. Et puis il était très important de faire comprendre qu’ils s'aiment. Ils s'aiment vraiment, mais ça ne veut pas dire qu’elle n’a pas d’autres besoins. Elle a besoin de trouver son propre épanouissement, et je trouve ces histoires d’amour ambivalentes très intrigantes. Quant à lui, c'est aussi pendant le voyage qu'il mesure à quel point il l'aime.

Avez-vous parlé à beaucoup de gens qui ont traversé les frontières de cette manière ?
Je vis à Belgrade, et quand la crise des migrants a commencé, je voyais tous les jours des milliers de gens qui venaient en Serbie. Un chauffeur de taxi m'a raconté qu’une famille de réfugiés voulait qu’il les amène à la frontière hongroise. Il a dû refuser, car si la police l’avait arrêté, il aurait perdu sa licence pour cause de trafic humain. J’ai fait l’expérience de la guerre et de la pauvreté, puisque j’ai vécu en ex-Yougoslavie, donc pour moi, ce ne sont pas des victimes abstraites, mais je voulais aussi rester authentique par rapport à ces réfugiés en particulier, ceux d’aujourd’hui. J’ai discuté avec beaucoup d’entre eux et tous les gens que vous voyez dans le film, tous les figurants du moins, sont vraiment des migrants qui vivent dans des camps de réfugiés. Il y avait toujours quelqu’un qui avait vécu telle ou telle expérience et pouvait nous l'indiquer, si nous étions en train de nous tromper dans notre manière de le représenter.

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(Traduit de l'anglais)

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