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Espagne / Uruguay

Rafa Russo • Réalisateur d'El año de la furia

“C’est un mystère, de savoir quels projets vont aboutir”

par 

- Entretien avec Rafa Russo, de retour derrière la caméra après 15 ans d’absence avec un film qui retrace les temps qui ont précédé l’irruption de la dictature militaire en Uruguay (en juin 1973)

Rafa Russo • Réalisateur d'El año de la furia

C’est une bonne nouvelle que le retour de Rafa Russo (Madrid, 1962), scénariste de longs-métrages comme Remember Me [+lire aussi :
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ou La decisión de Julia [+lire aussi :
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, derrière la caméra comme réalisateur avec El año de la furia [+lire aussi :
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, car son premier long-métrage, Amor en defensa propia, remonte à 2004. Cette fois, son film est une coproduction entre l’Espagne et l’Uruguay, interprétée par Joaquín Furriel, Alberto Ammann, Sara Salamo, Maribel Verdú, Martina Gusman et Daniel Grao, qui retrace les mois qui ont précédé précédé le coup d’État militaire dans ce pays sud-américain, dans les années 1970.

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Cineuropa : Pourquoi avez-vous mis autant de temps à réaliser de nouveau un film ?
Rafa Russo :
Parce que cela n'a pas été possible, pas parce que je n'ai pas essayé, je l'ai même fait plusieurs fois... J’ai continué à écrire des scénarios pour les autres, mais j’ai aussi essayé de monter mes propres projets, mais pour une raison ou une autre, il n’ont pas pu aboutir. Une crise importante est survenue dans l'intervalle qui a beaucoup affecté l’industrie du mal ; il est devenu de plus en plus difficile de monter des projets. Je suppose que le fait que mon premier long-métrage n’a pas eu tout le succès que j’aurais voulu n’a pas aidé non plus. C’est un mystère, de savoir quels projets vont pouvoir aboutir et lesquels vont échouer, dans le sens où a priori, El año de la furia ne paraissait pas simple, puisque l'histoire se passe en Uruguay dans les années 70. Cependant, le scénario a pu s'ouvrir un chemin. J’avais d'autres projets en développement, apparemment plus commerciaux, qui sont restés sur le bord du chemin… Mais bon, je suis content de ce film : j’espère qu'il va me permettre de faire davantage de réalisation, qu'il va remettre mon nom sur la carte du cinéma.

Il a dû vous mettre en condition, car il s’agit d’un film historique, de surcroît plus ambitieux que votre premier
Oui, ça a été un projet super exigeant, pour lequel j’ai dû énormément me préparer : ça a été un tel défi qu’à présent, je me sentirais capable de réaliser Apocalypse Now si c’était nécessaire (rires). Je me suis donné à fond pour ce film.

Comment un Madrilène comme vous en vient-il à s’intéresser à un pays sud-américain comme l'Uruguay ?
Je suis né à Madrid, mais de parents argentins, de sorte que je me suis toujours senti lié à la réalité politique et sociale latino-américaine. L'Uruguay et l'Argentine sont des pays frères. Quand on m’a parlé de "l'année de la fureur" et de ce que cela signifiait, j’ai senti qu’il y avait une formidable histoire là-dedans, et qu’elle pouvait être abordée de manière différente… De plus, ce pays a été très peu dépeint au cinéma. Pour toutes ces raisons, ce projet était attrayant et stimulant.

Et toutes les dictatures se ressemblent. Aviez-vous aussi en tête ce que nous avons vécu nous, ici en Espagne, pendant une partie du siècle dernier ?
Oui, bien sûr, mais ce qui m’intéressait avant tout, c'était de décrire l’antichambre de l’horreur de la dictature. Quand je vois des films sur les nazis, je trouve plus passionnant d'apprendre comment étaient les années qui ont précédé, comment on est arrivé à cela. L’horreur, on l'a déjà vue dans beaucoup de films, il y a peu de choses nouvelles à raconter là-dessus. C'est pourquoi il est sans doute plus intéressant de raconter les années et les circonstances qui ont mené à cela, par exemple dans un pays comme l’Uruguay, qui a toujours été à l’avant-garde des droits de l’Homme et du progressisme en Amérique latine. Que ce pays ait fini par basculer dans le précipice du totalitarisme, c'est frappant. Je voulais par ailleurs raconter tout cela du point de vue des gens normaux plus qu'en partant des bureaux des hommes politiques ou des militaires. J'ai voulu aller voir, en bas de l'échelle, comment les gens ordinaires ont vécu tout cela, à travers une ample mosaïque de personnages avec des points de vue différents : quelles attitudes les gens ont-ils adoptées face à ce climat d’oppression de plus en plus omniprésent ? Cela me permettait aussi d'engager davantage le spectateur d'aujourd'hui par rapport à ce que les gens ont vécu à ce moment-là…

Deux des personnages (incarnés par Alberto Ammann et Joaquín Furriel) sont scénaristes, comme Rafa Russo…
Ce sont des personnages de fiction. Il y a eu des programmes humoristiques très connus à la télévision uruguayenne, pendant cette décennie, et ça m’intéressait, en tant que créateur, d'adopter le point de vue d'un personnage appartenant au monde de la culture, parce que je crois que nous avons une arme que, peut-être, d’autres personnes ne possèdent pas. C'est une arme à double tranchant : d’un côté, on peut dénoncer et amplifier ce qu’on vit (ce que les autres ne peuvent pas faire), mais de l'autre, on sent le poids de cette responsabilité qui fait qu'on ne peut pas garder les yeux baissés sur sa feuille et faire abstraction de ce qui se passe au-dehors, parce que tout ce qu'on essaiera d’écrire va pâlir devant les événements réels, surtout quand c’est quelque chose d’aussi fort. Si on veut pouvoir encore se regarder dans un miroir après, il est difficile de se soustraire à tout cela, donc l'artiste se trouve dans une position compliquée.

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(Traduit de l'espagnol)

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