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VISIONS DU RÉEL 2021 Compétition

Tomasz Wolski • Réalisateur de 1970

“On ne peut pas toujours rester concentré sur ce qui est difficile, parfois il faut lâcher une plaisanterie”

par 

- Dans son nouveau film, le réalisateur polonais remonte le temps, et se rend compte que certaines choses n’ont pas changé

Tomasz Wolski • Réalisateur de 1970

Après An Ordinary Country, Tomasz Wolski s'intéresse dans 1970 [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Tomasz Wolski
fiche film
]
à une vague d'émeutes survenues en Pologne, en réaction à une soudaine hausse des prix. Le film, au programme de Visions du Réel, se penche également sur les conversations téléphoniques des dignitaires communistes qui ont tout fait pour mettre fin aux émeutes avant qu'elles ne prennent encore davantage d'ampleur.

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Cineuropa : En général, je n'aime pas les reconstitutions dans les documentaires. Mais en introduisant l'animation en stop-motion, vous êtes parvenu ici à trouver une alternative.
Tomasz Wolski : Tout a commencé quand je travaillais sur An Ordinary Country. J'ai trouvé ces enregistrements audio : des appels entre les membres de la cellule de crise du Ministère des Affaires étrangères. Pour cet autre film, j'ai travaillé avec des acteurs, en essayant malgré tout d'éviter ce que vous avez mentionné, parce que les reconstitutions m'agacent aussi. Pour 1970, on a choisi de recréer ces bureaux en miniature, et de fabriquer quelque chose qui donnerait l'impression d'une photo en mouvement à l'aide de marionnettes en stop-motion. Après ça, c'était logique d'animer certaines parties du film. Ces marionnettes ressemblent vraiment aux hommes qu'on entend parler. Notre directeur de l'animation, Robert Sowa, y a été particulièrement attentif. Il ne s'agissait pas d'être précis à 100%, mais il a vérifié, dans la mesure du possible, s'ils étaient grands ou petits, ou s'ils avaient des sourcils très broussailleux.

Leurs conversations sont parfois assez absurdes. Ils s'adressent affectueusement les uns aux autres, l'un d'eux mange… Tout cela est complètement à l'opposé du chaos en train de se produire à l'extérieur.
Peut-être qu'ils étaient tout simplement conscients qu'ils étaient enregistrés ? D'ailleurs, pourquoi ces enregistrements existent-ils en premier lieu ? Dès que les conversations prenaient une tournure plus personnelle, quelqu'un arrêtait l'enregistrement. On m'a dit que c'était peut-être à but éducatif, pour analyser a posteriori ce qui était allé de travers. Ou peut-être qu'ils voulaient faire pression sur quelqu'un ?

Le film se déploie comme un "thriller téléphonique", mais le fait qu'on ne puisse pas entendre les gens qui manifestent est aussi très révélateur.
Ces scènes ont été enregistrées sur des bandes de film, sans audio, principalement par les services de sécurité. Avec Marcin Lenarczyk, notre formidable concepteur sonore, on a dû recréer l'audio de manière à ce que le spectateur se sente plus en contact avec la situation. Pour ce qui est de la construction du "thriller téléphonique", qui est une appellation intéressante, je voulais que le public entende ces choses en premier, et ne les voie se dérouler qu'ensuite. Ça oblige à se servir un peu de son imagination.

Je ne considère pas vraiment que 1970 est un film historique : je me sers de l'Histoire comme prétexte pour révéler quelque chose de plus. L'Histoire tend à se répéter : maintenant, on peut voir des choses dont auparavant, on avait l'habitude qu'elles ne nous soient que rapportées. Je ne voulais pas que le spectateur s'inquiète trop de tous ces détails, du qui, du quoi, du quand... Si vous aimez le film,  vous pourrez aller chercher ces informations plus tard. Par ailleurs, Krzysztof Gierat [le directeur du Festival du film de Cracovie] m'a dit (et il avait raison) que les jeunes spectateurs en Pologne ne connaissent pas non plus ces noms. Je suppose que le fait que le film est allé jusqu'en Suisse prouve qu'il peut être compris. Je voulais initier une discussion sur ce qu'est vraiment le pouvoir, sur ses mécanismes et pourquoi nos dirigeants préfèrent envoyer une armée sur les gens plutôt que discuter avec eux. C'est un sujet universel, qu'on pense à la Pologne des années 1970, à celle de 2021, à la Biélorussie ou aux États-Unis.

Les événements dont parle le film furent indéniablement assez sinistres, et pourtant j'ai ri à plusieurs reprises. Avez-vous été surprise par l'humour noir qui a trouvé le moyen de se faufiler dans le film ?
Je recherche toujours l'humour noir. Il faut désamorcer un peu toute cette gravité. On ne peut pas toujours se concentrer sur ce qui est difficile, parfois il faut lâcher une plaisanterie. Ce film est quelque chose que je n'avais jamais vu avant, parce qu'il montre ces évènements du point de vue des auteurs. J'ai vu les images des victimes, j'ai entendu leurs familles, mais jamais les responsables de cette tragédie. Je voulais même que le spectateur tienne pour eux, au moins à un moment. Il semble qu'ils n'aient pas été indifférents, qu'ils aient voulu sauver leur peuple, ou peut-être craignaient-ils que laisser ces gens mourir ne soit pas bon pour le moral du pays dans son ensemble. Quoi qu'il en soit, ils montrent leur côté humain. Les gens ne peuvent pas être que méchants.

On a essayé de différencier ces deux mondes. Dehors, les gens se battent pour leur pain, comme on dit, et ces types sont assis entourés d'oranges, de bouteilles et de raisin. C'est là qu'est le fossé. Et quand il prend des proportions démesurées, les gens descendent dans la rue.

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(Traduit de l'espagnol par Alexandre Rousset)

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