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France

Florence Gastaud • Productrice, Les Compagnons du Cinéma

"Le contenu culturel, c’est le pétrole d’hier"

par 

- La pilote de la société française s’explique sur la vente monde à Netflix de Madame Claude et donne son point de vue sur les turbulences et les mutations en cours

Florence Gastaud • Productrice, Les Compagnons du Cinéma

Fondatrice avec Michel Hazanavicius et Riad Sattouf de la société de production Les Compagnons du Cinéma, Florence Gastaud revient sur la vente à Netflix de Madame Claude [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Florence Gastaud
fiche film
]
de Sylvie Verheyde (lancement le 2 avril 2021 dans le monde entier), livre son analyse sur l’intégration des plateformes dans le financement de la création, et donne quelques indices sur ses projets.

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Cineuropa : Pourquoi avoir vendu Madame Claude à Netflix en renonçant à la sortie salles prévue en France ?
Florence Gastaud : C’est Vincent Maraval pour Wild Bunch qui vendait le film à l’international et à ce titre, il était déjà en discussions pour l’ensemble des autres territoires avec Netflix qui aimait beaucoup le film. Au premier confinement du printemps 2020, voyant que les salles fermaient, Netflix a manifesté son intérêt pour un achat monde, France comprise. La question était un peu bouleversante et il y a eu beaucoup de discussions qui ont pris du temps. La réalisatrice, Sylvie Verheyde, n’y voyait aucun inconvénient parce qu’elle voulait que son film soit vu. Elle avait d’ailleurs toujours dit que son film avait une "température Netflix" car c’est une sorte de polar politique, un genre qu’on voit plus sur Netflix qu’en salles. Le processus a été long car nous avons tous un peu hésité quand même. Mais à un moment donné, nous nous sommes rendus compte que si le film sortait en salles, ce ne serait qu’en 2023-2024. Car je pense qu’à la réouverture des salles, il faudra laisser la place aux mastodontes : on en aura besoin de produits très forts pour réattirer le public en salles. Un film d’auteur comme Madame Claude aurait eu beaucoup de mal à trouver sa place en 2021-2022 et il aurait sans doute fallu attendre pour que le film puisse exister comme il se doit. C’était trop compliqué financièrement car il y a des escomptes de crédits qui courent, etc., et il y avait surtout la frustration de se dire que ce film ne serait pas vu. Alors à un moment donné, on se dit que renoncer au grand écran au profit d’un grand public, c’est aussi parce que le film est destiné à être vu.

Le distributeur salles France était Wild Bunch, mais comment ont réagi les autres partenaires du film ?
Ce qui était bien, c’est que nous n’avions pas beaucoup de partenaires sur ce film, notamment pas de chaîne en clair. J’ai proposé à OCS, qui était le premier partenaire avec deux fenêtres payantes, et à Netflix, d’inventer un schéma qui sera peut-être d’ailleurs le schéma de demain : qu’ils soient partenaires. Cela m’ennuyait beaucoup que Orange ne soit plus dans la boucle car ils aimaient le film à la lecture et au visionnage du premier montage, qu’ils soient une victime collatérale qu’ils n’avaient pas mérité d’être. Comme je savais qu’ils opéraient de cette manière avec les séries, par exemple sur Le Bazar de la charité avec TF1 et Netflix, je leur ai proposé d’être co-diffuseurs. Nous avons inventé une chronologie ad hoc puisque cette situation n’existait pas : Netflix sera en première fenêtre puis au bout de six mois, Orange aura 15 mois d’exploitation. Nous avons aussi remboursé une Sofica, les fonds de soutien du CNC, la région Ile-de-France, etc.

Dans votre vie professionnelle antérieure de délégué générale de l’ARP, vous étiez assez avant-gardiste sur la question de la diffusion multi-supports (news). Les plateformes SVOD vont bientôt participer au financement de la création française (lire l’interview avec Olivier Henrard) et une nouvelle chronologie est en négociation. Quel est votre point de vue sur ces évolutions ?
J’ai envie d’avoir une vision optimiste. D’une manière générale, déjà avant la crise sanitaire mais encore plus maintenant, le contenu culturel, c’est le pétrole d’hier. Sur le fait qu’il va falloir des films et des séries, tous les styles de créations pour tous les styles d’écrans, je ne me fais pas de souci : on va devoir en produire car tout le monde en veut. Ensuite, la régulation à la française est en train de montrer qu’on peut peut-être arriver à faire une place à des acteurs énormes. Ce n’est rien d’autre que l’exception culturelle d’antan. L’exception culturelle, c’est rééquilibrer via des politiques publiques le rapport de force et le rapport concurrentiel avec de surpuissants Américains. La directive SMA va un peu dans ce sens. C’est évidemment à chaque fois plus compliqué qu’avant, mais on finira par y arriver parce que tout le monde y a intérêt. Je crois à la coexistence, avec évidemment de la friction sur un certain nombre d’œuvres, une ultra concurrence sur les gros projets que tout le monde voudra, ce qui créera sans doute de l’inflation. Mais ce qu’il faut préserver, c’est toute la diversité du cinéma européen qui a fait notre force ces 50 dernières années. J’ai l’impression que pour l’instant, ça va. Cela, c’est une vision à moyen, long terme. A court terme, je suis plus inquiète parce que l’application de la directive SMA va prendre du temps et que sur la chronologie, il faudrait la solution demain, mais que cela n’arrivera pas : cela prend encore trop de temps là où l’on en a vraiment plus. Le pessimisme, c’est un peu sur comment on va réussir à mettre le nouvel ordre des choses en marche. Ce qui est positif, c’est que les acteurs internationaux qui ne voulaient absolument pas entendre parler de notre régulation commencent à comprendre nos codes, notre manière de penser, et à faire eux-mêmes des efforts. Mais il ne faut pas oublier qu’on doit préserver ce qui nous a permis d’être ce que nous sommes aujourd’hui, donc il ne faut pas que cela fasse trop de mal à Canal+ et à OCS (news). Sur la chronologie elle-même, j’ai prôné la possibilité de créer une commission d’agrément de diffusion qui puisse déroger à la chronologie. Avec la crise sanitaire, il va peut-être falloir réinventer sur deux ans le mode d’exploitation des films et pourquoi ne pas le faire de manière générale, avec une commission de professionnels à qui l’on présenterait un schéma de sortie (fenêtres glissantes, renonciation à la salle ou autres, etc.) et qui pourrait décider ce qu’on peut avancer ou changer. A un moment donné, il va falloir faire des choix. Je pense qu’au terme d’une expérimentation sur deux ans, cette commission disposerait de schémas qui seraient à peu près toujours les mêmes et que cela donnerait des pistes un peu plus claires sur ce que pourrait être la chronologie de demain. Parce que là, on en est encore à tirer à gauche et à droite, avec la tête tellement dans le guidon qu’on n’a pas le temps de repenser la chronologie en profondeur, de repenser son sens même.

Quels sont vos projets ?
J’ai signé récemment un contrat de consulting avec Wild Bunch pour qui je vais travailler sur le développement de leur production en France, mais aussi jouer un rôle d’interface avec les différents syndicats professionnels et les pouvoirs publics sur tous les sujets institutionnels et politiques intéressant le cinéma et l’audiovisuel.

Avec Les Compagnons du cinéma, le film d’animation La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius que nous produisons avec Patrick Sobelman (Ex Nihilo) et StudioCanal, va entrer en fabrication en septembre. Du coup, comme Michel avait un peu de temps, il va très bientôt entrer en tournage... Mais nous avons aussi beaucoup d’autres projets dont il est encore un peu tôt pour parler, notamment en développement Simon déraille de Riton Liebman.

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