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BERLINALE 2021 Panorama

Ferit Karahan • Réalisateur de Brother's Keeper

“Je pense qu’être mieux traités pendant leur enfance aiderait les gens à s’élever et réussir dans la vie”

par 

- BERLINALE 2021 : Nous avons interrogé le réalisateur turc sur ce drame social parsemé d’éléments tragicomiques qui s’inspire de sa propre expérience en tant qu’ancien élève dans un pensionnat

Ferit Karahan  • Réalisateur de Brother's Keeper
Le réalisateur Ferit Karahan (à droite) (© Diren Duzgun)

Le réalisateur turc Ferit Karahan a créé avec Brother’s Keeper [+lire aussi :
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interview : Ferit Karahan
fiche film
]
une véritable tragicomédie, bouleversante et fascinante, avec un jeune héros formidable interprété par un acteur non professionnel. Le film a été présenté en avant-première dans la section Panorama de la Berlinale cette année. Nous avons discuté avec le réalisateur de sa propre expérience dans un pensionnat, de la façon dont il a trouvé son héros et de son travail avec les enfants.

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Cineuropa : Vous étiez vous-même dans un pensionnat lorsque vous étiez enfant. Quand l’idée d’utiliser cette expérience au cinéma vous est-elle venue ?
Ferit Karahan : J’ai commencé à écrire un film sur mon expérience en 2009, mais je me suis rendu compte que je n’avais pas encore assez de recul sur le sujet. J’ai vécu le pensionnat comme un énorme traumatisme. J’y ai passé six ans de ma vie, et c’était une situation très difficile et remplie de violence. Dans les années 1990, la société dans son ensemble était habituée à la violence, et l’école n’échappait pas à la règle. Alors après le premier jet est venu le deuxième en 2013, qui n’était pas assez bon non plus. En 2016, le climat autour du peuple kurde a changé en Turquie et je me suis dit que j’étais prêt à écrire une nouvelle version du scénario. Je m’y suis mis et sept jours plus tard, je suis arrivé à cette version du film.

Qu’est-ce qui vous fait prendre conscience que vous aviez besoin d’avoir suffisamment de recul pour pouvoir raconter cette histoire ?
Sans ce recul, mon histoire n’aurait eu qu’un niveau de lecture, centré sur la politique. J’ai pris conscience que les enseignants aussi étaient les victimes de ce même système. Ils étaient confrontés à un dilemme, celui de savoir comment gérer ce climat de répression ambiant. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux enseignent encore aujourd’hui et le système reste plus ou moins le même qu’avant.

Ce qui me frappe, c’est que les enfants ne sont pas entendus et sont le plus souvent ignorés.
C’est un gros problème. En fait, la raison de cette attitude est que les adultes n’imaginent pas que les enfants puissent être pertinents, qu’ils puissent comprendre et être capables d’échanger avec les adultes sur certains sujets. Selon moi, si c’était différent, beaucoup de choses pourraient être évitées. Je pense qu’être mieux traités pendant leur enfance aiderait les gens à s’élever et réussir dans la vie. Notre avenir serait plus radieux. C’est ce que j’ai voulu changer en travaillant sur le film. J’ai attribué des rôles aux jeunes, je leur ai expliqué ma stratégie et je me suis adressé à eux comme à des adultes. Ça a bien fonctionné, ils ont tout de suite compris. Quelqu’un qui les écoute et croit en eux était nouveau pour eux.

Comment avez-vous trouvé vos acteurs ?
Les enseignants sont tous des acteurs professionnels, très connus pour certains. Bien que le film puisse être considéré comme une critique politique, ils ont heureusement tout de suite accepté. Trouver Yusuf, qui a le rôle principal chez les jeunes, s’est révélé plus difficile. J’ai auditionné plus de cent enfants. Un mois avant le tournage, nous n’avions toujours personne pour le rôle, et mes collaborateurs commençaient à s’angoisser. Je voulais que Yusuf vienne à nous, et c’est ce qui s’est passé. J’ai rencontré le jeune garçon autour d’un repas tout en parlant d’animaux, de terre et de la famille pendant une heure.

Comment vous y êtes-vous pris pour que les enfants soient à l’aise en présence de la caméra ?
C’était très amusant de travailler avec eux. La première semaine, quand je leur ai demandé d’aller quelque part, ils marchaient comme s’ils étaient des mafieux. Les jeunes ont l’habitude des séries télé et ils pensaient devoir jouer comme s’ils appartenaient à la mafia turque, que ce soit dans leur façon de marcher ou de s’exprimer. Mais ils ont vite appris. Pour qu’ils soient concentrés, je suis resté très sérieux pendant le tournage. Je ne riais jamais et c’était très efficace, car, ils étaient très sérieux en retour. C’était indispensable, sinon nous n’aurions pas pu gérer les 500 enfants concernés.

Au-delà de la dureté du sujet, vous arrivez à instiller de l’humour dans votre histoire.  
Je ne voulais pas vraiment que ce soit drôle, mais le contexte est plus celui d’une tragicomédie. Il y a une atmosphère kafkaïenne qui le rendait comique pour moi. Par le biais des répétitions, j’ai pu créer quelques scènes très drôles comme celle du sol glissant. Cette scène, ajoutée aux répétitions en général, est également une métaphore essentielle de la bureaucratie, qui donne l’impression à ceux qui sont dans ce milieu d’appartenir à un manège.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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