email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

GÖTEBORG 2021

Zaida Bergroth • Réalisatrice de Tove

“Ce qu’on cherchait, c’était l’intimité”

par 

- Nous avons interrogé la réalisatrice finlandaise sur son film, qui représente son pays dans la course aux Oscars

Zaida Bergroth • Réalisatrice de Tove
(© Ville Juurikkala)

Le film d’ouverture du Festival International du Film de Göteborg, Tove [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Zaida Bergroth
fiche film
]
de Zaida Bergroth, en lice dans le cadre de la Compétition nordique, relate la vie de Tove Jansson avant la création de ses personnages des Moumines : jeune, libre et amoureuse, alors que le monde autour d’elle se relève lentement de la guerre.

Cineuropa : Il ne s’agit pas seulement d’un biopic sur une personne célèbre. En Finlande, Tove Jansson est "la" personne célèbre. Cela a-t-il été source de préoccupation pour vous ?
Zaida Bergroth : C’était effrayant, bien sûr, et j’avais besoin de trouver un angle personnel. Je la voyais comme à distance au début. Peut-être que je l’admirais trop ? Il est plus facile de s’identifier à des personnages difficiles qui sont passionnés et puérils dans leurs luttes, ou même horribles, d'une manière ou d'une autre, mais Tove semblait si merveilleuse ! Je craignais qu’elle ne reste là, sur son piédestal, et de ne jamais arriver à l'envisager comme si elle était à une hauteur normale, mais une fois que nous avons choisi de nous concentrer sur cette période-là, avec Eeva Putro (la scénariste), nous avons pu trouver des thèmes qui nous intriguaient et desquels on se sentait proches.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Parfois, avoir trop d’informations semble être le problème ! Vous la montrez au moment où elle se cherche encore, y compris sur le plan émotionnel.
Le problème que j’ai avec les biopics sur des artistes, c’est que les gens ont une telle admiration par rapport à la notion de "créer de l’art" que cela semble hors de portée, mais comme ma mère est peintre, le travail et l’amour sont toujours allés de pair dans notre vie quotidienne. Je voulais montrer que les Moumines sont nés comme une conséquence de cette merveilleuse existence bohème. Ce n’est pas quelque chose qu’elle avait prévu, c’était une manière de se faire plaisir, une chose qu’elle a faite pour elle-même, inspirée par ceux qui étaient importants pour elle.

En réalité, elle voulait devenir peintre, c’était le langage qu’elle avait en commun avec son père, mais finalement, au lieu de ça, elle a été reconnue pour avoir inventé ces drôles de petits personnages. Pas pour son travail dans la discipline où elle mettait tous ses efforts. Cette période de sa vie est intéressante aussi parce que, bien que je la considère comme une grande artiste, ses peintures n’étaient pas totalement convaincantes à cette époque.

Penser que quelque chose qu'on ne respecte pas vraiment devient ce qui vous définit... C’est presque une tragédie, pourrait-on dire.
C’est pour ça qu’elle s'est mise à détester les Moumines, passé un stade. Ils venaient du "langage du cœur", ils étaient tellement personnels, mais ça devait être frustrant. Elle devait se demander : "Qui suis-je ? Est-ce qu'on me voit seulement comme la maman des Moumines ou suis-je encore considérée comme une peintre ?". Cela dit, ça ne l'a pas empêchée de faire exactement ce qu'elle voulait, et elle a su s'éloigner d'eux quand elle en a eu besoin.

Il me semblait intéressant aussi de parler de Thingumy et Bob (des personnages inspirés de Jansson et de son amante Vivica Bandler) et de dire combien c’était courageux, à l’époque. Elle a vraiment fait des choix intègres, quand on y pense, et c’est merveilleux qu’elle leur ait donné de la résonance dans le monde. Nous avons envisagé d'appeler le film Tove et Vivica, juste pour montrer qu’il ne s’agirait pas d’un de ces biopics qui commence par une naissance et se termine par une tombe.

Même si ce lien sentimental est très important, à aucun moment je ne me suis dit que ce film parlait d'une relation lesbienne. Elle rencontre une personne et quelque chose se passe. Voilà tout.
Tove elle-même n’avait pas de problème avec ça. Elle est tombée amoureuse violemment et passionnément, et elle était heureuse de cela. Leur relation a été de courte durée et elle a été complexe, mais pas à cause de jugements extérieurs, les problèmes se situaient ailleurs. Ça m'a paru rafraîchissant de raconter une histoire d’amour entre personnes du même sexe où la question de genre n'a causé des problèmes ni à l'une, ni à l'autre.

Dans le film, on la voit qui cache toujours ses dessins des Moumines quand quelqu’un entre dans le studio, et vous faites la même chose... Comment avez-vous décidé quand cacher ces personnages et quand les montrer ?
Ils sont tellement mignons que si on les voyait plus dans le film, ça ne laisserait plus de place pour le portrait brut et intime de Tove. Ce film parle d'elle, de cette jeune peintre ambitieuse qu'elle fût, plus que des Moumines et de la manière dont ils ont été créés. Mais ils apparaissent à certains moments personnels.

Son studio est le véritable cœur du film, c'est l’endroit où elle a travaillé et vécu. La guerre venait de se terminer et les gens sentaient le besoin de faire la fête, de célébrer la vie avec d’autres gens, avec leur famille et leurs amis – c’est ce que les Moumines représentent aussi. Alma Pöysti s'est avérée tellement douée pour exprimer toutes ces petites nuances, il fallait que j'en profite. Une personne m’a dit que pendant le film, elle s’est rendu compte qu’elle n’avait pas vu de gens de si près depuis très longtemps : l’intimité, c'est justement ce qu’on cherchait. Je chuchotais à l'oreille de mon directeur de la photographie : "Plus près, va plus près !".

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais par Julie Maudet)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy