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Jivan Avetisyan • Réalisateur de Gate to Heaven

“Je cherche encore des manières d’expliquer à mon fils de 9 ans ce qu’il s’est passé et pourquoi”

par 

- L'Arménien Jivan Avetisyan nous parle de son nouveau film, de son exclusion du Festival de Moscou et de ses prochains projets

Jivan Avetisyan  • Réalisateur de Gate to Heaven

Cineuropa a discuté avec Jivan Avetisyan, le réalisateur de Gate to Heaven [+lire aussi :
critique
interview : Jivan Avetisyan
fiche film
]
. Notre conversation a tourné autour de la réalisation de son dernier film, de son exclusion récente du Festival du film de Moscou et de ses nouveaux projets.

Cineuropa : Où vivez-vous actuellement ? Comment allez-vous ?
Jivan Avetisyan :
Le 8 novembre, je suis arrivé à Erevan depuis l’Artsakh après avoir vécu la période la plus terrible de toute ma vie. J’espère que la plupart des gens savent ce qui s'est passé : les affrontements qui ont éclaté au milieu du mois de juillet et qui, le 27 septembre, ont dégénéré à nouveau en une véritable guerre lorsque les combattants syriens, épaulés par les Turcs, ont rejoint les forces d'Azerbaïdjan contre les Arméniens. Pendant cette cruelle période, comme nous avions perdu notre maison à Chouchi, ma famille a fui à Erevan. Ma famille est à présent à Erevan et tout le monde est guéri du covid, mais souffre encore des effets psychologiques de la guerre. Personnellement, j'ai du mal à supporter la réalité qu’on m’a imposée. Je cherche encore comment expliquer à mon fils de neuf ans ce qui s'est passé et pourquoi, tout comme mon père dans les années 90 quand j’ai été témoin du même conflit.

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J’ai passé tout mon temps dans l’Artsakh pour documenter ces tragédies, en compagnie de Norayr Hovsepyan et d’Hrayr Avetisyan, depuis la télévision publique d’Artsakh. Nous nous sommes rendus en équipe à différents endroits du théâtre de la guerre, y compris sur le front. Nous avons pu filmer les villes et les villages qui ont été bombardés, où de nombreux civils ont perdu leur maison et leurs proches. Nous avons également vu d’innombrables cadavres abandonnés, des soldats qui ont été tués en protégeant notre culture, notre histoire et notre patrie. Toutes ces scènes sont maintenant gravées dans ma mémoire pour toujours, c'est une douleur impossible à décrire.

Ce que j’ai documenté apparaîtra dans mon prochain film, donc je vais légèrement changer le scénario et y inclurai peut-être une histoire personnelle. J’ai gardé toutes les graines des fruits que j'ai mangés pendant les affrontements afin de créer un Jardin de la Paix. Maintenant, la question est la suivante : qui commencera à planter le Jardin de la Paix – Murat, le personnage principal de mon projet ou moi ? Entretemps, j’ai appris qu’un autre ami à moi a peut-être être tué dans cette guerre : l’acteur principal de Tevanik. Je ne peux pas expliquer à quel point c’est accablant pour moi d’avoir fait un film pour montrer l'inhumanité de la guerre et d'avoir ensuite perdu le héros de mon histoire. Pour le moment, son corps n’a pas été retrouvé et sa famille continue de le chercher désespérément.

Comment avez-vous réagi à l’exclusion de votre film de Moscou ?
Il y a deux mois, j’étais le plus heureux des réalisateurs. Mon film était sur le point de faire sa première internationale à Moscou. Cependant, à peine quelques heures avant que la guerre ne commence, nous avons reçu une lettre officielle de Razlogov indiquant que la projection avait dû être annulée et que notre travail avait dû être supprimé du programme officiel en raison des pressions politiques exercées par les représentants du gouvernement azerbaïdjanais. Notre équipe, perturbée et déçue, a demandé à Razlogov de revoir sa décision.

Nous avons répondu que les festivals prestigieux comme Moscou existent pour donner aux réalisateurs indépendants une plateforme pour présenter leur travail. Notre film n’incite en aucun cas à la haine et ne constitue pas une propagande contre l’Azerbaïdjan. Au contraire, il promeut la paix. Nous avons reçu une nouvelle lettre confirmant leur décision. Razlogov a mentionné que si le festival avait eu lieu en avril 2021, alors ils auraient envisagé de projeter le film. Bien sûr, cette décision a été extrêmement décevante et nous ne l’avons pas prise à la légère. J’espérais vraiment marcher sur le tapis rouge mais, au lieu de ça, j’ai passé 38 jours de ma vie à vivre les pires crimes de guerre. Ma quête va être de continuer à raconter ces histoires et de promouvoir la paix à travers le cinéma. Je suis reconnaissant du soutien immense que j'ai reçu de la part de nombreux critiques réputés (en particulier les critiques russes), d'autres cinéastes ainsi que du Festival international du film d’Erevan et du Centre national de la cinématographie d’Arménie.

Quand avez-vous commencé à travailler sur Gate to Heaven ?
Ma directrice artistique Narine Voskanyan et moi avons commencé à discuter de l’intrigue en terminant The Last Inhabitant en 2016. Notre idée était de travailler sur un scénario puissant et de monter une production de plus de valeur en en faisant une coproduction internationale plus large, ce que nous sommes arrivés à faire. Mes collègues Kestutis Drazdauskas et Adrineh Mirzayan ont eu un rôle déterminant pour faire démarrer le projet. Le film est sorti en Arménie en octobre 2019, hélas le Covid-19 et la guerre ont rendu la distribution difficile. L'agent qui s'occupe des ventes internationales du film, MPM Premium, a reçu des demandes du monde entier, y compris des États-Unis et il y a quelques semaines, le film a aussi été projeté au Festival de l’Abricot d’or d'Erevan dans la section “Dédicace à Artsakh”.

Êtes-vous en train de préparer de nouveaux projets ?
Bien sûr. Je travaille actuellement sur le développement de deux projets. Le premier, Revival, a suscité l’intérêt du comité de sélection du programme de développement des talents Berlinale Talents et reçu une Bourse Roy W. Dean dans la catégorie Hot Films. Cette organisation va héberger notre film sur son site web pendant un an et nous aidera à lever des fonds. Le deuxième projet s’intitule Black List et s’inspire de la vie d’Alexander Laphin, un blogueur de voyages russo-israélien populaire auprès du public. La première version du scénario, écrite par un scénariste hollywoodien en vue, est bien avancée.

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(Traduit de l'anglais par Sara Baroudi)

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