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SARAJEVO 2020 Compétition Documentaires

Šemsudin Radončić • Réalisateur de Conspiracy

"La majorité des citoyens monténégrins croient encore que tout cela a été échafaudé"

par 

- Le journaliste et réalisateur Šemsudin Radončić nous parle du documentaire Conspiracy, un travail dévoilé à Sarajevo qui enquête sur la tentative de coup d’État survenue au Monténégro en 2016

Šemsudin Radončić • Réalisateur de Conspiracy

Dans son dernier film Conspiracy [+lire aussi :
interview : Šemsudin Radončić
fiche film
]
, présenté en avant-première dans la compétition documentaire du Festival du film de Sarajevo, Šemsudin Radončić, journaliste d’investigation et réalisateur monténégrin, suit deux experts politiques qui tentent de faire la lumière sur la tentative de coup d’État survenue en 2016 au Monténégro.

Cineuropa : Conspiracy n’est qu’un chaînon de la série de films que vous avez réalisés pour révéler les anomalies politiques et économiques spécifiques au Monténégro et aux Balkans. Quelle a été la chronologie de la réalisation du film ?
Šemsudin Radončić : Je ne pouvais pas occulter les événements historiques nés en 2015 et qui ont des répercussions aujourd’hui : un Monténégro tiraillé entre les intérêts des grandes puissances, un Monténégro qui souhaite pourtant adopter une ligne pro-occidentale et pro-européenne, trajectoire de laquelle la Russie a tout de suite tenté de le faire dévier en essayant de le contrôler comme si le pays était une colonie russe.

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Je me suis mis à suivre ces événements, dont l’apogée a été la tentative de coup d’État de 2016. En tant que journaliste d’investigation, j’observais ça de près, m’efforçant de saisir ce qui se tramait en coulisse. C’est comme ça que tout a commencé. Après l’échec du coup d’État, je me suis lancé dans la réalisation du documentaire.
J’ai tout axé sur les interviews des protagonistes directs et indirects comme les procureurs, les hommes politiques, les journalistes et même le président du Monténégro, mais mon principal objectif était de rencontrer les conspirateurs.

J’ai réussi à recueillir le témoignage de Saša Sinđelić et Pajo Velimirović, les deux principaux conspirateurs serbes. Ils figuraient parmi les témoins dans la procédure judiciaire autour du coup d’État et les médias prorusses au Monténégro, mais également les médias nationalistes en Serbie, ceux d’extrême droite, se sont acharnés sur eux durant le procès. J’ai écrit plusieurs articles sur la manière dont les témoins ont été persécutés par les médias et c’est de cette façon que j’ai gagné leur confiance.

La plupart des Monténégrins croient encore que tout a été fabriqué de toute pièce. Mais mon film sera diffusé sur les chaînes publiques à l’issue de la tournée des festivals et j’espère vraiment qu’il permettra de changer leur perception.

Faire un film sur un tel sujet a dû engendrer son lot de difficultés, voire présenter quelques risques ?
J’ai dû financer le film moi-même. Aucune institution publique, aucune société de production n’a osé participer par peur de représailles serbes ou russes. J’ai vendu ma maison pour cela. L’un des plus gros problèmes a été de trouver une équipe de tournage, car tout le monde avait peur de travailler sur le film.

L’autre problème concernait les personnages et le tournage en Serbie. Ce n’est qu’à la seconde tentative que je suis parvenu à filmer l’interview avec Velimirović. La première fois, nous avons été suivis par une voiture, qui a tenté de nous faire sortir de la route. Pendant le tournage, les autorités serbes m’ont interdit l’entrée en Serbie.

Vous avez un large panel de personnes interviewées dans le film, y compris côté russe avec la présence d’un journaliste russe.
Il est de notoriété publique que les institutions russes n’aiment pas partager les informations. Le ministère des Affaires étrangères a farouchement nié toute participation d’agents russes au coup d’État.

J’ai réussi à joindre Gennady Sisoev, journaliste russe expert des Balkans, qui a fait une déclaration incroyable sur les agents russes du GRU et sur leur participation au coup d’État. Selon lui, ils ont commis des erreurs de débutants, et Poutine ne devait pas nécessairement avoir connaissance de tout cela. C’est une déclaration très diplomatique, qui met néanmoins en évidence l’implication et l’incompétence des services secrets du GRU.

Vous avez dû obtenir de nombreuses images sur lesquelles travailler. Comment le processus de montage s’est-il passé ? Quel est votre modus operandi artistique ?
En effet, la procédure judiciaire à elle seule a engendré plus de 800 heures d’images et près de 40 heures d’interviews. La documentation est toujours difficile à gérer et elle s’est avérée compliquée. Son organisation a été difficile, mais j’ai utilisé une méthode que j’appelle "la taille du figuier", qui consiste à soigneusement couper les petites branches à l’automne pour obtenir une bonne récolte la saison suivante. J’ai consacré quatre ans de ma vie à monter le film et je dois reconnaître que, dans ce cas précis, la pandémie a été une aide précieuse. Comme je ne pouvais pas sortir, je me suis concentré sur le montage.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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