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FRANCE

Frédéric Farrucci • Réalisateur de La Nuit venue

"L’intrigue criminelle n’est souvent qu’un prétexte"

par 

- Frédéric Farrucci retrace la genèse de son captivant premier long métrage, La Nuit venue, un film noir atmosphérique centré sur un taxi clandestin chinois à Paris

Frédéric Farrucci  • Réalisateur de La Nuit venue

Produit par Koro Films et vendu à l’international par WTFilms, La Nuit venue [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Frédéric Farrucci
fiche film
]
, le premier long métrage de Frédéric Farrucci, a été lancé le 15 juillet dans les salles françaises par Jour2Fête. Interprété par Guang Huo et Camélia Jordana, ce film noir atmosphérique révèle un réalisateur très prometteur.

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Cineuropa : La communauté asiatique en France est très rarement abordée dans le cinéma français. Comment êtes-vous arrivé à ce sujet ?
Frédéric Farrucci
 : Par hasard. Mon coscénariste Nicolas Journet avait eu une histoire d’amour un peu cuisante avec une stripteaseuse et il avait envie d’enquêter sur ces jeunes femmes. Il a découvert que la plupart sont aussi callgirls et qu’elles ont toutes un chauffeur de taxi attitré, qui vient les chercher à l’issue de leur show pour leur offrir une sorte de sécurité, de sas de décompression. Il m’a donc proposé une histoire d’amour entre une stripteaseuse et un chauffeur. J’étais moyennement motivé par l’histoire d’amour en elle-même, mais ce qui m’attirait beaucoup, c’était le chauffeur de taxi de nuit. Parce que j’aime beaucoup la nuit parisienne, avec les marges qui se mélangent à la norme et des rencontres qui ne pourraient pas être possibles dans la journée qui est très clivante. Donc, nous avons enquêté sur le métier de taxi de nuit et une légende urbaine revenait régulièrement : la mafia chinoise équipe de faux taxis et met au volant des clandestins. Nous n’avons jamais pu vérifier ces histoires, mais cela me parlait énormément. D’abord en termes de genre de cinéma parce que cela me plongeait dans du cinéma noir, avec en plus une communauté considérée comme très mystérieuse. Il y avait aussi l’aspect esclavage moderne, un sujet qui me travaille : la condition des immigrés qui débarquent en France, qui sont mal accueillis et qui se retrouvent souvent sous la coupe de mafias intracommunautaires. La communauté chinoise est donc arrivée quasiment par hasard, mais comme elle est très peu montrée au cinéma et qu‘elle est quand même assez conséquente en France, je me suis dis que c’était aussi une bonne idée de mettre un petit peu de diversité à l’écran.

Pourquoi le genre du film noir vous attire-t-il autant ?
Souvent, sous couvert d’intrigue criminelle, ce sont des films qui font état d’une époque, d’un lieu, d’une société, d’une humanité aussi : des films avec une haute teneur sociétale. L’intrigue criminelle n’est souvent qu’un prétexte, une sorte de cheval de Troie, contrairement ay polar où elle est au premier plan. Ensuite, le film noir, c’est un cinéma d’atmosphère, très urbain, qui décrit la ville de manière nocturne, dans une forme d’esthétique très marquée, y compris musicalement. J’avais envie de reprendre les codes de ce genre pour les appliquer au Paris dans lequel je vis, au Paris contemporain. Ce sont aussi souvent des films qui prennent en charge des déclassés et il n’y a pas plus déclassé aujourd’hui qu’un immigré clandestin qui travaille pour une mafia.

Vous montrez au passage des côtés très pauvres de Paris qu’on peut voir dans certains documentaires, mais très peu en fiction.
Ce n’est pas glamour, mais j’avais envie d’utiliser le travelling naturel de la voiture pour me déplacer dans les endroits qui nous éloignent un peu de la carte postale de Paris, et montrer ce que voit mon personnage principal. Et dans sa situation précaire, c’est naturel qu’il soit attiré par des Bangladeshis qui s’apprêtent à aller vendre des roses dans des restaurants ou par des Africains qui vendent des Tours Eiffel au pied de la Tour Eiffel. Mais il y avait aussi des aspects esthétiques, le désir d’avoir un noir sombre, avec des trouées de néons.

Au-delà de Camélia Jordana, le film est interprété par de très nombreux non-professionnels. Pourquoi ce choix ?
Le sujet de la communauté chinoise me passionnait, mais j’avais un vrai souci de légitimité et de justesse. J’ai donc enquêté notamment auprès d’une chercheuse du CNRS native de Chine et qui travaille sur les migrations entre la Chine et l’Europe. J’ai aussi rencontré beaucoup de personnes de cette communauté pour m’imprégner, poser des questions. Pour le casting, lors des essais avec des comédiens français d’origine chinoise, au-delà du fait qu’il y en a très peu, il y avait déjà quelque chose qui était très occidental dans leur façon de s’exprimer, de se mouvoir : j’avais la sensation d’un manque de justesse alors que je voulais traiter de gens qui arrivaient de Chine. Comme le film était un petit budget, il n’y n’avait pas non plus les moyens de faire venir des comédiens de Chine. Du coup, on s’est retrouvés à faire du casting sauvage dans la rue, via des associations, via WeChat aussi qui est une application très utilisée par la communauté chinoise. J’ai eu la chance que Guang Huo réponde à l’annonce et j’ai fait aussi un casting des seconds rôles avec une directrice de casting chinoise.

La présence au casting de Camélia Jordana a-t-elle facilité le financement ?
La vertu de Canal+, c’est qu’ils sont venus sur le film sur le scénario et avant que Camélia n’apparaisse. Après, ça leur a fait plaisir, effectivement qu’elle adhère au film. Je n’avais pas de pression des financeurs, ni de ma production, pour avoir une tête d’affiche. J’ai choisi Camélia parce que j’aime la chanteuse, la comédienne, la femme publique aussi, la citoyenne qui a une parole politique. Cela m’amusait également de proposer à cette jeune femme moderne, contemporaine, féministe, un rôle un petit peu archétypal de femme très sexy, très consciente de l’être, très dans la sensualité.

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