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SHEFFIELD DOC FEST 2020

Ben Anthony • Réalisateur de Keith Haring: Street Art Boy

“Keith Haring 'taguait' avec des silhouettes au lieu de mots”

par 

- Nous avons discuté avec Ben Anthony de son documentaire Keith Haring: Street Art Boy, et du design d’un certain papier peint de cuisine

Ben Anthony  • Réalisateur de Keith Haring: Street Art Boy
(© BAFTA)

Dans Keith Haring : [+lire aussi :
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, récemment présenté au Sheffield Doc/Fest, Ben Anthony célèbre la vie et les très nombreuses œuvres de l’artiste américain Keith Haring, décédé en 1990, dont on reconnaît instantanément la patte, encore aujourd’hui. Nous avons discuté avec le réalisateur pour en savoir plus.

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Cineuropa : Tout le monde connaît l'œuvre de Haring, mais pas nécessairement l’homme. Du moins moi je ne le connaissais pas avant de voir votre film.
Ben Anthony :
Bien ! Pour être honnête, je ne savais pas grand chose sur lui non plus, mais je voulais comprendre comment il a conçu toutes ces silhouettes qui portent sa signature. Quand j’étais adolescent, elles faisaient partie du paysage culturel. Je n’avais jamais vu ses oeuvres réalisées dans la rue, même si j'avais entendu parler de sa peinture murale “Crack Is Wack”, mais son travail était partout sur mes pochettes de disque ou les t-shirts de mes amis. Me replonger dans la période pendant laquelle j'ai découvert beaucoup des choses que j’aime maintenant a été un sacré parcours nostalgique. J’aime énormément le New York des années 1970 et du début des années 80.

Vous parlez de nostalgie, mais certains aspects de son histoire sont très actuels, comme sa peur d’être accusé d’appropriation culturelle.
Cela amène à se demander s’il pourrait produire ce genre de travail aujourd’hui. Essayait-t-il d’être quelqu’un d’autre ? Ést-ce qu'il empruntait à d'autres sans leur en attribuer le mérite ? Il a eu des problèmes, en particulier en Australie. Certaines personnes ont dit : “Qui est cet homme blanc qui vient des États-Unis et qui fait des peintures aborigènes ?”. À mon avis, il était juste incroyablement naïf sur beaucoup de choses. Quand il se sentait des affinités avec quelque chose, il pensait que ça lui donnait le droit d’en faire partie. Il était très préoccupé par l’injustice sociale, il a fait des milliers d’affiches pour la manifestation “No Nuke” et il les a toutes distribuées. Ce n’était pas une posture bien calculée pour se faire de la publicité. Il se laissait guider par son cœur, et c’est ainsi que ce gamin de Pennsylvanie s'est mis à côtoyer le monde du hip-hop et les graffeurs. En un seul coup d’œil, on voyait bien qu'il n'avait pas derrière la tête de voler sournoisement les idées des autres.

Dans le film, quelqu’un dit qu'il faisait bel et bien son possible pour être respectueux, en peignant à différents endroits. Vous êtes d’accord ?
À cette époque-là, il y avait de vraies guerres de graffitis ! Certains graffeurs barraient des noms ou peignaient par dessus, mais il a fait très attention à ne pas rentrer là-dedans. S’il a été accepté, s’il a pu devenir ami avec des artistes comme Fred Brathwaite, Lee Quiñones ou encore Futura, c’est parce que son travail était similaire au leur, mais assez différent pour qu'il ne fasse pas l'effet de se réclamer de la scène où eux évoluaient. Et puis il "taguait" des silhouettes, pas des mots.

Aujourd’hui les artistes collaborent avec des enseignes comme Louis Vuitton, par exemple, mais même à l'époque, il ne craignait pas tout l'aspect commercial des choses. Pourquoi ? Parce qu'il opérait de toutes façons en dehors du système des galeries d’art ?
Il était partagé sur la question. Il voulait être accepté par le grand public, mais il voulait aussi être respecté. Ça le peinait, de ne pas être considéré par les galeries et les musées. Après, ce qui lui tenait le plus à cœur, c'était la démocratisation de son travail. C'est lié, aussi, à sa personnalité : il voulait être présent dans la vie des gens, sur leurs t-shirts et leurs taies d’oreiller ! Il y a énormément de vidéos de lui en train de discuter avec les passants. Il aimait la connexion avec les gens, il voyait cela comme une façon de répandre l’amour.

Quand on parle de quelqu’un qui est mort, on a tendance à être excessivement respectueux, mais ici, vous avez engagé les intervenants à mentionner le “papier peint avec des pénis” de sa cuisine !
Je ne vais pas vous mentir en disant que ça a été dur : ses amis mouraient d’envie de me parler de son papier peint avec des pénis, de la quantité de drogue qu’ils prenaient et du niveau de libertinage de leurs vies à l'époque. Vous avez raison, quand quelqu’un meurt, on a tendance à penser que c’est irrespectueux de parler des aspects futiles de leur existence, mais pour eux, c’était l'occasion de repenser avec nostalgie à cette époque d'insouciance. moment où ils n’avaient aucune préoccupation. Quand le SIDA est apparu, tout a changé. Keith aussi regrettait cette époque, alors même qu'il était en train de réaliser sa fresque de salle de bain [“Once Upon a Time”, achevée quelques mois à peine avant sa mort du SIDA]. C’est un hommage à l’époque où être gay à New York signifiait s'abandonner et vivre à fond. Il n’a jamais été considéré comme un grand artiste, le genre qui réunit les gens devant ses gigantesques peintures et leur fait se gratter le menton, pensifs. Ses amis savaient que son truc, c'était d'exprimer des messages immédiats et de rendre tout ce qu'il y a de joyeux dans la vie. Et ça, en grande partie, ça impliquait pour lui de faire l'idiot.

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(Traduit de l'anglais par Sara Baroudi)

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