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CANNES 2020

Magnus von Horn • Réalisateur de Sweat

“On veut tous une plateforme où s’exprimer”

par 

- CANNES 2020: Entretien avec le réalisateur Magnus von Horn, qui réside à Varsovie, à propos de son nouveau film, Sweat, sur une célébrité des réseaux sociaux

Magnus von Horn  • Réalisateur de Sweat
(© Nicolas Villegas)

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interview : Magnus von Horn
fiche film
]
, qui a obtenu le label Cannes suite à l’annulation du festival du fait de la pandémie du coronavirus, Magnus von Horn tourne son attention vers l’aspirante-gourou du fitness Sylwia (Magdalena Koleśnik), déjà en pleine ascension grâce aux gens qui la suivent sur les réseaux sociaux. Mais elle se sent seule, parfois, et n’a pas peur de le dire dans ses posts. Nous avons discuté avec Von Horn sur ce film.

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Cineuropa : Les gourous du fitness ont plus de succès que jamais, mais dans Sweat, vous montrez qu’il ne s’agit pas que du corps : c’est une question de connexion émotionnelle.
Magnus von Horn :
Quand j’ai commencé à suivre ces "motivateurs de fitness", je ne pouvais pas m’arrêter de regarder. C’était comme un reality show avec juste un participant : ça m’a provoqué et ça m’a mis en colère. Je jugeais, mais dans le même temps, ça me plaisait. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui faisait que je m'y rapportais autant - nous parlons d'une vingtaine de vidéos de quelqu’un qui joue avec son chien, puis se lance dans une confession émotionnelle ou donne des astuces pour confectionner une boisson protéinique. Il n’est pas là question de changer le monde ou "d'utiliser ta plateforme" : ce sont des fournisseurs de contenus. Et en même temps, c’est tellement fort, tellement vrai. Au début, je pensais que c’était des narcissiques, mais ce serait sans doute plus narcissique de ne pas le faire, juste par peur d’être jugé. Je suis devenu jaloux de leur capacité à partager. Au fond, nous sommes tous les mêmes : nous voulons tous une plateforme pour nous exprimer. Pour moi, c’est le cinéma, pour d’autres, c’est les réseaux sociaux. On a besoin d’un endroit où on peut être sincère.

Les célébrités comme Sylwia encouragent les gens à "devenir la meilleure version d'eux-mêmes", mais aussi à "accepter qui ils sont". En songeant à ses posts, que vouliez-vous qu’ils dégagent ?
Cette intimité émotionnelle – car c’est ça, le cœur de la chose. Les gens trouvent cette connexion très attirante. L’entraînement, le fitness : c’est juste une façade. Il faut un peu de temps, mais au bout d'un moment, on arrête d'y prêter attention et on se met à regarder la personne même. L'idée est d'avoir l'impression de faire partie de quelque chose, d'être pris en compte. Si vous écrivez à ces célébrités sur Instagram, ils vont répondre. Ils ne m’ont pas répondu à moi, mais c’est probablement parce que je leur disais que je travaillais sur un film et que je voulais leur poser des questions [rires]. Je suis bien content que ça ne se soit pas fait, parce que ça ne m’intéresse pas de copier la vie de quelqu’un, ce qui m’intéresse, c'est ce que produit ma propre imagination.

Une fois que vous avez décidé de montrer la vulnérabilité de cette femme, n’avez-vous pas craint de répéter le cliché de la "pauvre petite fille riche" ?
C’est un cliché, mais aussi une vérité : tout dépend de la manière dont on veut dépeindre les choses. Ça ne m’intéressait pas, de la montrer comme une victime. Comme elle a créé sa propre personnalité, quel que soit l'aspect qui la pose en victime (la négativité, la personne qui la harcèle), il fait aussi partie d’elle. Avec Magdalena, nous nous sommes préparés pendant un an et demi (c’est le temps qui s'est écoulé entre le moment où elle a été choisie et le début du tournage). Elle n’avait même pas Instagram, mais je voulais une bonne actrice pour créer cette personne, pas faire appel à quelqu’un qui n'aurait qu'à jouer son propre rôle. La préparation a été très intense : régime, entraînement, etc. Ensuite, notre directeur de la photographie est devenu très fouineur : il lui courait après et se tenait toujours un peu trop près. Sylwia n’était pas complètement "terminée" quand j’ai arrêté d'écrire ; elle était à l'état d'ébauche. À la fin de tout ce processus, nous parlions tous les deux son langage.

Une si grande partie de sa vie étant dédiée à fournir du contenu, comme vous le disiez, pas étonnant que Sylwia essaie de le faire aussi dans ses interactions réelles, comme à l’anniversaire de sa mère.
C’est le cadre parfait pour qu’elle arrive incarnant son personnage de célébrité et fasse une entrée en fanfare. Et quand elle n’obtient pas l'attention qu’elle veut, elle essaie de la créer. Elle va là où son "intuition du contenu" lui dit d’aller. C’est un des sujets du film : savoir qui on est et qui est ton public. Il n'y a en fait pas de différence entre moi qui fais les films que j’ai envie de faire et Sylwia qui essaie de comprendre ce qu'elle a envie de partager et accepte le public qui est attiré par ça – et qui est plus tolérant et aimant que les gens qu’elle rencontre en vrai. Cet amour, pour autant qu'on ait envie de le critiquer, est réel. Et si on veut le qualifier de vide, c’est notre problème et notre cynisme. Je pense que nous sommes en train de nous améliorer pour ce qui est de sentir ce qui est vrai émotionnellement. Quand quelqu’un est authentique, on est comme des papillons de nuit attirés par la lumière : on veut se rapprocher. On se nourrit de ces craquages en public, et c’est cruel, mais il y a aussi de l’empathie là-dedans.

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(Traduit de l'anglais)

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