email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2020 Forum

Lois Patiño • Réalisateur de Lúa vermella

"Mes longs-métrages fonctionnent comme un diptyque sur la Galice"

par 

- BERLINALE 2020 : Lois Patiño commente pour nous certains aspects de son deuxième long-métrage, Lúa vermella, dévoilé à Berlin dans la section Forum

Lois Patiño • Réalisateur de Lúa vermella
(© Julia Llerena)

L’artiste Lois Patiño vient de présenter dans la section Forum du 70e Festival de Berlin son deuxième long-métrage, Lúa vermella [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Lois Patiño
fiche film
]
, tourné (comme son premier film, Costa da Morte [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Lois Patiño
fiche film
]
) dans sa Galice natale. Nous nous sommes entretenus avec le réalisateur.

Cineuropa : Bien que nous n'aimions pas bien les étiquettes... Lúa vermella est-il un docufiction ou se situe-t-il carrément du côté de la pure fiction ?
Lois Patiño : Le film essaie de se mouvoir dans les fissures entre les espaces intermédiaires. Il part de la réalité, mais pour la mettre en doute, pour lui lancer un regard à partir de l'exil qui nous fait douter d’elle. Il propose un tableau documentaire des gens et des lieux d’un endroit de la Galice : les gens que nous voyons paralysés dans le film sont les gens qui habitent ce lieu. Cependant, nous avons inséré ces portraits à l’intérieur d’un récit de fiction et on leur superpose une voix off qui parle de fantômes et de monstres marins. Ce film parcourt un espace liminaire où les personnages eux-mêmes ne savent pas où ils sont. Sont-ils vivants ou morts ? Est-ce que c’est vrai ou est-ce un mythe ? Est-ce qu’ils sont à l’intérieur d’un rêve ou dans la réalité ? L’un d'eux dit : "Nous sommes le rêve de quelqu’un. Le rêve d’une mer endormie", ce qui rejoint des notions proches de l'idée d’inconscient collectif de Carl Jung, d’où émergent les mythes et les rêves, et se rattache également à cette phrase d’Alvaro Cunqueiro qui nous a inspirés en faisant ce film : "Ce gigantesque animal qu’on appelle l’océan respire deux fois par jour".

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Le film a été tourné en deux étapes, il y a presque trois ans. La post-production et le financement ont-ils été compliqués ?
Un long-métrage implique toujours un processus long, d'au moins un ou deux ans. Comme c’est mon deuxième long-métrage et que j’y ai utilisé un langage différent de celui employé dans Costa da Morte, le processus a duré plus longtemps. C'était lié, d'une part, au financement, toujours difficile pour le cinéma moins conventionnel, et de l’autre à cette quête d’un autre langage. Lúa vermella partait de deux prémisses : il s’agissait d’explorer l’imaginaire fantastique galicien en lien avec la mort et par ailleurs d’approfondir l’expérience temporelle de l’image. Mais au niveau du récit, j’ai toujours été très ouvert, pour permettre de continuer à intégrer de nouvelles idées au projet pendant le processus de création.

Ainsi, j’ai découvert l’histoire du Blond, et on a filmé des images aquatiques, qui se sont mises à influer petit à petit sur le récit. Les dialogues ont été écrits pendant le montage. C'est vraiment à ce moment-là que nous avons bâti le récit légendaire qui est dans film. Les possibilités de réinterprétation des images était infinies et ceci a contribué à rendre le processus de montage plus complexe et plus long.

La côte maritime et la mort sont de nouveau présentes ici, comme dans votre premier long-métrage...
Au début, le projet ne devait pas se passer à Costa da Morte. D'ailleurs, la première partie du tournage s'est effectuée dans la Galice de l'intérieur. L’idée était de construire un espace fictionnel qui ne se rattache pas un territoire concret. Mais en découvrant l’histoire du Blond, j’ai décidé que le récit tournerait autour de sa réalité : celle d'un plongeur qui a récupéré plus de 30 cadavres de naufragés perdus en mer. Le film devait se passer autour de lui. Son histoire se connectait avec beaucoup d’idées sur lesquelles je voulais travailler : l’océan et son lien avec la mort, le processus de deuil ou l’importance de pouvoir faire ses adieux. Il y a aussi un concept clef, celui d’"âme en peine" : il s'agit des esprits coincés dans les limbes qui ne peuvent passer dans l'au-delà. Selon la croyance, c’est ce qui arrive aux esprits des naufragés qui meurent en mer et dont le cadavre n’est jamais retrouvé. En plus de cela, l'idée d'"âme en peine" dans le sens de personne plongée dans la tristesse est également intéressant, car le film peut être lu également comme le processus de deuil d’un village après la disparition d’un voisin. Le film invente une légende, mais il est né d’une histoire réelle.

Lúa vermella opère dans cet espace indéfini entre le tableau documentaire des habitants de cet endroit et le récit fantastique. Si, dans mon film précédent, j'abordais de manière anthropologique la construction de l’identité d’un paysage en évoquant la relation des hommes et leur environnement, et le mélange d’histoire et de légende, ce nouveau film part à l'inverse de la réalité pour aller vers le mythe, et observe ce territoire à travers le prisme de la légende. Dans ce sens, les deux films fonctionnent comme un diptyque sur cet endroit : l'un en l'observant à partir du réel, l’autre selon un point de vue fantastique.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'espagnol)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy