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BERLINALE 2019 Berlinale Special

Juliette Binoche • Actrice

“Il y a une liberté qui vient avec l'âge, en particulier devant la caméra"

par 

- BERLIN 2019 : Rencontre avec la star Juliette Binoche pour parler de ses deux derniers rôles : celui qu'elle joue dans Celle que vous croyez et celui du présidente du jury de cette 69e Berlinale

Juliette Binoche  • Actrice
(© Fred Meylan)

Juliette Binoche a une double casquette cette année au Festival de Berlin,  puisqu'elle est à la fois présidente du jury et actrice principale de Celle que vous croyez [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Juliette Binoche
fiche film
]
de Safy Nebbou, tiré du roman du même nom de Camille Laurens. Dans ce film, projeté dans la section Special Gala de Berlin, elle joue le rôle d'une divorcée d'une cinquantaine d'années, Claire, qui a une relation amoureuse en ligne avec Alex, bien plus jeune, mais le problème est que Claire utilise un faux profil, et ses mensonges vont la rattraper. 

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Cineuropa : Claire est un professeur d'université reconnu, elle a de beaux enfants et une carrière. Pourquoi se met-elle soudain à faire semblant d'avoir 20 ans ?
Juliette Binoche :
Ma perception est que le sentiment d'abandon est insupportable pour elle. Son mari l'a quittée pour une femme plus jeune, son amant la laisse tomber, elle a été larguée par son amant, qui n'a pas grand-chose à faire d'elle. Elle essaie de trouver une manière de ne plus ressentir cela, ce besoin de s'accrocher à quelque chose qui ne fonctionne plus. Facebook est un des biais qu'elle utilise, mais cela va jusqu'au point où elle va devoir détruire l'illusion. C'est douloureux, de se rendre compte qu'on est une perdante, mais ça lui donne une énergie nouvelle. Elle n'a plus peur : elle arrive à un stade où elle s'ouvre à des choses nouvelles et arrive à aller de l'avant. Ce sentiment d'avoir été abandonnée est tellement affreux. On le ressent très tôt, en tant qu'enfants, mais le ressentir de nouveau comme adultes... 

Elle se cache derrière des sms et autres messages en ligne, mais exprimer des émotions ainsi n'est pas vraiment plus sûr.
On a l'impression qu'on est plus protégé, mais ce film vous montre que ce n'est pas le cas, c'est une illusion. La dimension physique est quelque chose qui peut confirmer les sentiments : le corps doit être présent. Et parce que là, le corps est absent, c'est plus dangereux, dans un sens. On est enfermé dans cette illusion. 

Et pourtant, ce film n'hésite pas à montrer la sexualité féminine, bien que les autres pensent sans doute qu'elle n'est plus censée ressentir tout cela.
Mon père a 85 ans et il continue à flirter avec les infirmières ! Cela ne disparaît jamais. Le besoin de sentir du désir est toujours là, mais la manière dont vous l'exprimez dépend de vous. À mesure que le temps passe, on peut apprendre à vivre avec d'un une manière différente – meilleure, si on a de la chance. On n'est pas dépendant de ce sentiment comme quand on avait 20 ans.

Donc quand on aborde une relation, on doit être préparé à lâcher prise ?
Ou à accepter qu'elle n'est rien, ce qui n'est pas facile. Quand on n'est pas encore tout à fait mature sur le plan émotionnel, on a l'impression de mourir. Et c'est le cas : une partie de vous meurt pour arriver à un niveau plus profond. L'âge peut être un outil merveilleux dans ce sens. On accuse toujours l'âge et on en a peur, mais c'est l'âge qui vous apporte la sérénité, j'en suis vraiment convaincue. Il y a une liberté qui vient avec l'âge, notamment devant la caméra. Il fait ressortir la vérité sur ce qu'on comme être humain. C'est pour cela que ce rôle a été une joie pour moi, parce que la vie, c'est un apprentissage, quand on est jeune mais aussi quand on prend de l'âge.

Est-ce que c'est un aspect que vous recherchez aussi en tant que présidente du jury ?
La question est plutôt de décider ce qu'il est important d'offrir au monde. Voilà le pouvoir que nous avons : celui de pointer vers des thèmes spécifiques. Le Festival de Berlin choisit des films politiques qui ont des sujets très contemporains, des sujets qui font réfléchir et progresser comme société. Nous avons besoin d'entendre des voix diverses, et je suis convaincu qu'on aura de plus en plus de réalisatrices dans les festivals. Les femmes ont déjà prouvé qu'elles savent faire de l'art et quelles capacités elles ont, mais Dieter [Kosslick, le directeur du festival] m'a dit : "Je n'ai pas choisi ces films parce qu'ils ont été réalisés par des femmes. Je les ai choisis parce qu'ils étaient bons".

Claire est un personnage compliqué parce qu'elle ment tout le temps : à son amant, à sa psy, jouée par Nicole Garcia, à elle-même. En tant qu'actrice rompue au métier, pensez-vous que vous savez à l'avance ce qui pourrait faire tiquer les gens ?
Jouer un rôle, ce n'est pas dire des mensonges, c'est dire la vérité. Mais mon personnage essaie d'éviter cela, donc c'est un jeu de cache-cache. En tant que comédien/ne, on est tellement habitué(e) à analyser les émotions qu'on sait où aller pour exprimer quelque chose et recréer la vie – un peu comme un pianiste sait où se trouve le ré bémol. Ça fait partie de mon métier.

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(Traduit de l'anglais)

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