email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

Cristi Puiu • Réalisateur

"Ce qui compte, c'est d'être ici et maintenant"

par 

- CANNES 2016 : Le Roumain Cristi Puiu décrypte son nouvel film Sieranevada, dévoilé en compétition pour la Palme d'Or

Cristi Puiu • Réalisateur
(© T. Leibreich / Festival de Cannes)

Entouré notamment par son comédien principal Mimi Branescu, le cinéaste roumain Cristi Puiu a donné à la presse internationale quelques clés de décryptage de son nouvel opus, Sieranevada [+lire aussi :
critique
bande-annonce
Q&A : Cristi Puiu
fiche film
]
, présenté en compétition au 69e Festival de Cannes

Quel a été le point de départ du film ?
Cristi Puiu : Cela vient de mon histoirepersonnelle, avec le repas qui a suivi l'enterrement de mon père. Quelques années plus tard, en 2012, l'un de mes coproducteurs m'a demander si j'avais un nouveau projet et j'ai eu cette idée de raconter de manière très subjective ce qui s'était passé lors du repas qui avait suivi l'enterrement. Cela découlait aussi du constat que les histoires qui composent nos propres histoires personnelles sont vraiment des fictions. Ensuite, c'est au spectateur de construire sa propre fiction à partir de cela, car l'histoire de Sieranevada pourrait se passer n'importe où : j'invite le spectateur à être mon partenaire.  Enfin, j'avais également l'intention d'aller dans une direction assez extrême. 

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Le film est d'un réalisme saisissant et offre aussi un foisonnement de points de vue, de bribes, comme les pièces d'un puzzle.
La question de la vérité me tracasse beaucoup. C'est d'ailleurs délicat d'employer ainsi de grands mots. J'essaye de faire de mon mieux pour restituer avec la précision de ma propre subjectivité ce que j'ai vécu et ressenti. Le risque est de perdre l'attention du spectateur avec par exemple les longues discussions de la première partie du film qui ont généré beaucoup de débats chez les partenaires du projet au stade du scénario. Mais dans la vie, on parle souvent de beaucoup de choses, certaines qui ont du sens, d'autres insensées, d'autres encore qui sont idiotes. Et depuis la manipulation de l'information au moment de la révolution roumaine, je suis hanté par la question de la vérité et du mensonge. Il y a une forme de confusion que j'essaye de mettre en scène avec honnêteté.

La question des événements terroristes internationaux traverse les discussions de la famille.
Quand la production du film a démarré a eu lieu l'attentat contre Charlie. Ce n'était pas dans le scénario, mais je l'ai installé dans le film. Car en Roumanie comme ailleurs, les gens continuent à vivre et à être absorbés par leurs propres histoires. Mais les informations qu'on entend ont un effet déclencheur pour l'un des personnages qui est extrêmement préoccupé par les événements du 11 Septembre. Il y a ces discussions sur des événements qui ont eu lieu 14 ans auparavant alors qu'ils ne sont même pas au courant de ce qui se passe dans leur propre famille. J'ai essayé de mettre en scène cette sensation de perte de repères en en jouant et en laissant le spectateur en jouer.

Le naturel stupéfiant du film provient-il d'improvisations ?
Il y en a, mais pas dans le sens où on laisserait caméra tourner et les acteurs libres de faire ce qu'ils veulent. Pour ce film, j'ai fait des choses que je n'avais jamais faites avant, comme concevoir des dialogues le jour même et me dire "je verrai bien au montage".  J'ai également introduit le personnage de la Croate et l'histoire de la tradition du costume pendant tournage. M'offrir cette liberté par rapport au scénario a été un vrai plaisir et cela fonctionne car le film a un sens, mais cela aurait pu être complètement raté. J'avais aussi de très bons acteurs, mais cela ne suffit pas, car ce qui compte, c'est d'être ici et maintenant, et pas ailleurs, ce qui est un exercice très difficile.

Quelles étaient vos intentions en termes de travail de mise en scène ?
La caméra est à la place du mort. Un peu comme dans l'histoire du cinéma où l'on préfère dire qu'elle est l'homme invisible. Le sujet du film m'a donné une possibilité supplémentaire car dans la tradition orthodoxe, l'âme du mort quitte le corps et se promène pendant 40 jours avant de partir définitivement. C'est vrai aussi que la mort est un sujet récurrent de mes films. Mais là, il s'agissait de faire comme si le mort regardait les gens qu'il allait laisser. Donc il fallait de la tendresse comme quand on va quitter le monde et qu'on le regrette.

Quid de la durée du film de près de 3 heures ?
C'est parce que je n'appartiens pas cette catégorie de réalisateurs qui ont la chance de faire des films "distribuables". C'est une durée qui fait peur aux distributeurs, mais je ne me pose jamais la question, c'est le contenu qui prime, et c'est comme en cuisine : je mets au four et cela sort quand c'est prêt.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy